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 à ceux qui ont failli perdre quelqu  témoignage AZF -  Christophe

Réveil mouvementé


Je venais d'effectuer ma rentrée d'élève-ingénieur. J'habitais boulevard Riquet, à 5 ou 6 km du lieu de l'explosion. Ce matin-là, j'avais décidé de ne pas aller en cours. J'ai été réveillé par une vibration de mon immeuble semblable à celle qui se produisait quand quelqu'un claquait violemment la porte au rez-de-chaussée. C'est ce que j'ai pensé à ce moment-là : "ils exagèrent". Le temps de reposer ma tête sur l'oreiller, l'immeuble bougeait à nouveau, mais d'une manière différence, et malgré l'amplitude modeste du souffle à cette distance du sinistre, j'ai eu l'intuition qu'il s'était passé quelque chose. Évidemment, j'avais encore le 11 septembre en tête.

Je m'habille, je descends dans la rue, le long du canal. J'aperçois un groupe de 7 ou 8 personnes en face de la piscine Léo Lagrange. Je les rejoins. Ils regardent une des grandes baies vitrées de la piscine dont le verre gît à terre sur le trottoir. J'entends quelqu'un dire "ça a explosé dans la piscine". J'observe quelques secondes la vitre brisée, n'aperçois aucune fumée ni aucun gros dégât... Au bout d'un moment, je décide que je n'y crois pas, et commence à marcher vers mon école, dans le simple but de rejoindre des gens que je connais. Sur le chemin, aucun dégât visible, mais des gens comme moi, qui marchent en tournant la tête de tous côtés, l'air plus curieux qu'inquiet. Puis les rumeurs. "C'est une bombe au centre commercial Saint-Georges !" À défaut de mieux, je retiens l'hypothèse... Arrivé à mon école, je vois tous les élèves dans la rue. Je rejoins des amis. "Le directeur a fait évacuer. Il paraît qu'une usine a sauté. On était en cours, la porte s'est ouverte toute seule et les stores en tissus ont explosé."

Le lieu dont je parle est à 4 ou 5 km minimum de l'explosion. À ce moment-là, je me dis que "quelque part" (mais on ne sait pas encore où), ça a dû être terrible. Je fais alors comme on m'a toujours dit de faire en cas de catastrophe : rentrer chez soi et écouter la radio. Il est aux environs de 10h30. Sur le chemin de retour, je vois quelques vitres et vitrines brisées, mais surtout l'image presque irréelle de centaines de personnes descendues dans la rue, qui ne savent pas quoi faire ni où aller. Quand j'allume France Info, "l'information vient de tomber" : "quelque chose" se serait passé à Toulouse, "peut-être une explosion". Là par contre, je n'ai pas pu suivre les consignes usuelles de laisser les réseaux disponibles pour les secours : il fallait que j'appelle ma famille à Paris pour les rassurer, de préférence avant qu'ils n'aient l'info. Après 5 à 10 minutes d'essais (réseau saturé), je parviens à téléphoner. Ma mère n'a pas encore eu l'info, je lui dis qu'il s'est passé quelque chose mais que tout va bien pour moi.

Je me remets à écouter la radio. Petit à petit, la catastrophe se précise. Consigne est donnée de se calfeutrer chez soi. Je n'avais pas la télé. Je n'ai réalisé l'ampleur du drame qu'en voyant des images aux infos le lendemain soir chez un copain.

Également, moi qui n'ai subi qu'un réveil un peu violent, des scènes de gens étonnés dans la rue et le récit radiophonique des événements, et moi qui me considère comme quelqu'un de mentalement solide, j'ai éprouvé comme une angoisse diffuse, pendant les quelque jours qui ont suivi, chaque fois que quelqu'un claquait une porte dans l'immeuble. Moi qui n'avais pour ainsi dire rien subi. Alors imaginez les séquelles mentales que peut laisser une telle catastrophe à ceux qui l'ont vraiment vécue... (J'ai laissé mon e-mail si vous avez besoin de me contacter. Merci de ne pas le diffuser sur le site.)

Anonyme


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