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 Source : Liberation (30/01/2002)    Source : Tout Toulouse (30/01/2002)
[Articles du 30/01/2002] - [ Periode : 01-2002 (68 articles)] - [ Source : Liberation (36 articles)]

Article paru le 30/01/2002 - Cet article est la propriété du journal ou société : Liberation

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TOTAL FACE A LA JUSTICE : D'UNE EXPLOSION L'AUTRE


Neuf ans avant AZF, le drame de La Mède avait fait 6 morts

L'explosion à la raffinerie Total de La Mède (Bouches-du-Rhône), sur l'étang de Berre, a fait six morts parmi ses employés, au matin du 9 novembre 1992, et elle continue de résonner en un fracas très désagréable pour le groupe pétrolier. Neuf de ses cadres et ingénieurs (1) comparaissent depuis hier devant le tribunal correctionnel d'Aix-en-Provence, aux côtés de deux fonctionnaires de la Drire (direction régionale de l'industrie, la recherche et l'environnement), tous prévenus d'homicides involontaires, et ils ont passé une bien mauvaise journée.

D'abord, les experts commis par le juge d'instruction sont venus se plaindre de l'attitude de Total: «Il y a eu volonté de ralentir nos opérations, affirme l'expert Max Brun. C'était délibéré, volontaire. On a rencontré d'énormes difficultés. Certaines de nos opérations ont pris trois fois plus de temps. Le chef du service informatique a refusé de nous aider pour une simulation. Pendant des mois, on a demandé quel était le contenu d'un bac. Ils le savaient très bien. On ne l'a jamais su. C'était surréaliste. Certains ont fait des fausses déclarations: un contremaître, à qui on demandait s'il était intervenu sur l'installation en question [avant l'explosion], nous a répondu non. En fait, oui, il y avait eu plusieurs interventions. C'était pénible.» Conclusions accablantes. Volodia Pewzner, 63 ans, qui, à l'époque des faits, supervisait la raffinerie depuis le siège de Total, proteste: «Il n'y a jamais eu de volonté de rétention d'information. Juste quelques petites difficultés matérielles.» Le président du tribunal, Alain Ramy, lit alors une note de recommandation interne de Volodia Pewzner, écrite un mois après la catastrophe: «Quand on donne un document [aux experts], vérifier avant qu'il n'y a rien dedans [de préjudi ciable]... Pister en permanence les experts pour deviner leur pensée...» Volodia Pewszner tente de se justifier: «Ce n'étaient pas les directives de Total, mais les recommandations de mon avocat...»

Aussi gênantes, les pratiques du ministère de l'Industrie: lorsque l'expert Brun lui adresse un courrier recommandé pour demander des analyses, il a la surprise de retrouver sa missive dans les pièces saisies lors d'une perquisition au siège de Total, avec ce bordereau signé d'un fonctionnaire: «Sauf avis contraire, j'adresserai cette version à l'expert», ce qui tend à prouver que le ministère prenait ses ordres chez Total... Mauvais genre. Malgré tout, les experts rendent, en juin 1997, des conclusions accablantes pour Total. Selon eux, une brèche ouverte dans une canalisation, à 8,5 mè tres du sol, a laissé s'échapper un mélange d'hydrocarbures qui s'est enflammé, provoquant l'explosion. Résultant d'une corrosion interne, cette brèche leur semblait «prévisible et repérable», s'il n'y avait eu des carences dans l'entretien et les inspections, et diverses autres négligences. L'expert André Vincens parle d'«état lamentable» et de probables «fuites préalables». Une des canalisations avait 36 ans. Une autre n'avait pas été inspectée depuis douze ans.

Installations vétustes. Dans son réquisitoire définitif, le parquet a stigmatisé «le caractère obsolète et vétuste et l'état de délabrement des installations de l'usine, connus de la hiérarchie». En mai 2000, la cour d'appel d'Aix-en-Provence a relevé que, selon les experts, «les objectifs de production de la raffinerie de Provence, fixés par le siège, avaient pris le pas sur toutes autres considérations, au détriment de la sécurité». Après le choc pétrolier de 1973, les raffineries françaises ont connu «vingt ans de per tes», selon Yves Nanot, 64 ans, ancien haut responsable de Total, aujourd'hui président des Ciments français, et prévenu au procès. Ceci peut expliquer la vétusté des installations de La Mède, dont on a, un temps, évoqué la fermeture. «Mais vieux ne veut pas dire vétuste», soutient un prévenu. «Nous avions fait énormément de progrès, dit l'ancien directeur de la raffinerie, nous avions un taux d'accidents très faible, et la première fiabilité en Europe pour les années 1991 et 1992.»

Les prévenus tentent, souvent maladroitement, de réfuter les accusations. Entre le naufrage du pétrolier Erika en 1999, et l'explosion, le 21 septembre dernier, de l'usine AZF à Toulouse qui a provoqué la mort de trente personnes (lire ci-contre), l'image de Total est en jeu, même si tout cela n'a pas empêché le groupe pétrolier, devenu entre-temps TotalFinaElf, d'engranger, en 2000, 7,6 milliards d'euros de bénéfice. Les débats se poursuivent aujourd'hui. (1) Mis en examen en octobre 1999, Serge Tchuruk, alors président de Total, a bénéficié d'un non-lieu, car il n'avait, selon le Parquet, «manifestement pas connaissance de la situation au sein de la raffinerie de Provence».

Par Michel HENRY


 Source : Liberation (30/01/2002)    Source : Tout Toulouse (30/01/2002)

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