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 Source : Liberation (30/01/2002)    Source : La Depeche (31/01/2002)
[Articles du 30/01/2002] - [ Periode : 01-2002 (68 articles)] - [ Source : Tout Toulouse (78 articles)]

Article paru le 30/01/2002 - Cet article est la propriété du journal ou société : Tout Toulouse

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La reprise partielle de la SNPE entraînerait des expropriations


Photo © Tout Toulouse La réouverture du Bikini est jugée incompatible avec le redémarrage de la SNPE. Le dossier de reprise d'activité de l'usine, même partielle, conduirait à exproprier une quinzaine d'habitations le long de la Garonne, chemin des Etroits. Le patron de la salle de spectacle et les riverains se mobilisent.

La boîte ou l'usine ? Malgré leurs efforts de confinement des produits dangereux, les ingénieurs de la SNPE n'arrivent pas à limiter totalement les risques industriels à l'intérieur du périmètre de l'usine. Sans même intégrer les activités à base de phosgène, le gaz le plus dangereux utilisé par l'usine avant le 21 septembre, les périmètres de protection résultant des études de danger pour une reprise partielle d'activité incluent toujours la rocade au niveau du " pont de l'Onia ", le tronçon de la route d'Espagne entre le pôle chimique et les ateliers détruits de la Semvat et surtout le chemin des Etroits. Cette petite route qui longe la rive droite de la Garonne peut paraître subalterne par rapport aux deux autres grandes voies de circulation. C'est pourtant là que se trouvent la plupart des constructions exposées au risque et à de possibles expropriations.

Parmi elles, le Bikini, boîte de nuit devenue salle emblématique des musiques amplifiées de Toulouse. Ce haut lieu du rock sera-t-il sacrifié pour la réouverture de la SNPE ?

Le patron des lieux, Hervé Sansonetto, ne sait plus sur quel pied danser. Il se déclare exaspéré d'être " baladé " par des informations tantôt rassurantes, tantôt alarmantes, sur la possibilité d'ouvrir à nouveau les portes de sa salle de spectacles. Quelques semaines après l'explosion de l'usine AZF qui a ravagé l'intérieur de son établissement, c'est le maire de Toulouse en personne qui lui téléphone pour lui signifier qu'il pouvait lancer la reconstruction du Bikini " à l'identique ". " Douste m'a dit que je pouvais y aller si aucun permis de construire n'était nécesaire ". L'administration lui demande ensuite une étude géotechnique. Il s'agit de vérifier si le sol, sujet à de nombreux glissements de terrain dans ce secteur, est encore capable de supporter l'établissement après l'explosion. " J'ai financé l'étude à mes frais. J'attends les résultats pour la fin du mois " raconte Hervé Sansonetto, qui se disait encore confiant à son retour de vacances, mi-janvier.

Mais depuis, la SNPE a commencé à lever le voile sur ses nouvelles études de danger. Contrainte et forcée. Déposés en préfecture le 28 décembre, ces documents, qui représentent une pile de papier de 1m80 de haut, étaient jusqu'alors couverts par le " secret industrie ". Le procédé n'a guère été apprécié, au moment où la transparence est érigée en vertu. La SNPE a donc été fortement incitée par l'Etat à revoir sa copie. Seules 3 des 19 études de danger déposées par le groupe SNPE pour son usine toulousaine et ses filiales, Isochem, Tolochimie, ne sont toujours pas consultables par le public. Désigné par le ministère de l'Environnement pour expertiser ces études incompréhensibles pour les profanes, le cabinet néerlandais TNO a par ailleurs rendu ses conclusions le mercredi 23 janvier. La SNPE affirme que ses études sont " validées " par ce cabinet indépendant. Le jour même, l'industriel convie dans la précipitation des riverains et des élus à Toulouse, pour leur présenter l'ensemble de ces documents. " Oubliant " toutefois d'inviter Hervé Sansonetto. Et pour cause : le Bikini figure bel et bien dans le périmètre dessiné par TNO dans une carte publiée en annexe de ce rapport. Hervé Sansonetto ne l'a découvert que samedi 26 janvier, lors d'une réunion de l'association des victimes des périmètres de risques industriels (AVPRI). " Pourquoi laisser les gens commencer les travaux si c'est pour les faire partir ensuite " réagit le patron du Bikini, qui se sent professionnellement " dans le collimateur " de la SNPE. Entre l'usine et la boîte, il faudra choisir.

Hervé Sansonetto assure qu'il ne se laissera pas faire sans se défendre. Dans l'agglomération, certains élus laissent déjà entendre qu'ils sont disposés à proposer un nouvel emplacement pour reconstruire le Bikini sur leur commune. Mais un éventuel déménagement de la salle ne réglerait pas le sort de la famille Sansonetto, dont la maison surplombe le chemin des Etroits. Une quinzaine de familles sont dans le même cas. Au lendemain de l'explosion du 21 septembre, Yves Favard a créé l'AVPRI pour tenter de les regrouper. " Nous sommes déjà expropriés sans le savoir " dénonce cet ingénieur aéronautique, qui abrite le siège de l'association dans sa maison du 3, chemin des Etroits. Une demeure héritée de son grand-père. " Nous ne laisserons jamais s'établir de nouveaux périmètres de risque dans lesquels se trouvent des populations innocentes et souvent installées bien avant l'établissement des risques en question " prévient le président de l'AVPRI, qui ressent le dossier de reprise d'activité déposé par la SNPE comme " une provocation ". " Nous sommes des victimes mais on ne nous a jamais demandé notre avis " déplore Yves Favard, qui espère encore qu'un meilleur confinement des produits dangereux de l'usine est possible pour circonscrire les risques derrière les murs de l'entreprise. Cela passerait par une réduction des stocks de produits toxiques encore plus drastique qu'envisagée par la SNPE. Mais cette solution posssède ses propres limites, décrites par le cabinet TNO. " La réduction des volumes entraîne l'augmentation du nombre des manipulations de l'opérateur, solution moins approuvée par TNO, tenant également compte de l'augmentation des probabilités d'erreurs humaines que cela implique " prévient le cabinet néerlandais. " Je ne suis pas d'accord. Les manoeuvres sont moins dangereuses que les quantités stockées " estime l'ingénieur du chemin des Etroits.

Ce débat d'experts devra être arbitré par les ingénieurs de la Drire (Direction régionale de l'industrie et de la recherche), chargés d'instruire le dossier de reprise d'activité partielle de la SNPE. La Drire devra aussi déterminer si elle accepte de suivre la méthode dite " probabiliste " employée par TNO. Selon les calculs du cabinet néerlandais, le risque d'un accident pour les activités sans phosgène de la SNPE serait d'un par million d'années, en tenant compte du plus grave accident " probable " : le crash d'un avion sur la zone. Jusqu'à présent, la Drire n'avait pas réellement intégré la chute d'un avion dans ses scénarios. La méthode française, qui se veut plus " déterministe ", pourrait cependant s'avérer plus sévère que l'analyse hollandaise. " La méthode TNO conduit, en prenant en compte les barrières de protection, à une minoration du risque. En France, et plus encore à Toulouse, la tendance se fonde sur des scénarios plus majorants. La crainte d'un scénario catastrophe conduirait probablement à l'arrêt d'une bonne partie de l'activité industrielle " explique l'universitaire André Savall, président du SPPPI (secrétariat permanent des problèmes de pollution industrielle). Le SPPPI devait à son tour examiner la demande de reprise d'activité partielle de la SNPE, mardi 29 janvier. André Savall confirme que le sort du Bikini dépend de celui de la SNPE, quelle que soit la méthode de calcul, française ou hollandaise. " Dans les deux cas, avec les hypothèses faites, le Bikini paraît inclus dans le périmètre à risque. En cas de reprise d'activité de la SNPE, si les conditions du rapport TNO étaient confirmées, elle ne serait pas compatible avec l'exploitation du Bikini ".

Stéphane Thépot


 Source : Liberation (30/01/2002)    Source : La Depeche (31/01/2002)

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