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Mémorandum

1) La catastrophe survenue le 21 septembre 2001 sur le site de l’établissement GRANDE PAROISSE à TOULOUSE, qui a entraîné la mort de 30 personnes, provoqué 2000 blessés dont des dizaines très gravement et des dégâts matériels estimés provisoirement entre 1.5 et 2.3 milliards d’euros, a rappelé la vulnérabilité de nos sociétés au risque industriel.

Elle a mis en évidence le besoin simultané d’une meilleure prévention des accidents industriels majeurs et d’une réflexion sur les conditions de cohabitation des activités industrielles à risques et des autres activités économiques ou sociales.

2) L’usine impliquée dans la catastrophe relevait des dispositions de la directive 82/501/CEE du 24 juin 1982 dite SEVESO, puis de la directive 96/82/CE du 9 décembre 1996, dite SEVESO 2, relative à la prévention des accidents majeurs impliquant des substances ou des préparations dangereuses.

Créé en 1924 en dehors de l’urbanisation, l’établissement est aujourd’hui environné d’habitations, d’établissements recevant du public, d’autres entreprises y compris des activités à risques, et de voies de communication. Une limitation de l’urbanisation autour du site était en place depuis 1989.

3) L’installation à l’origine du sinistre est un stockage d’ammonitrates (engrais à base de nitrates d’ammonium) d’une capacité de 300 tonnes.

Des rapports de sécurité au sens des directives SEVESO avaient été remis par l’exploitant depuis l’application de la directive SEVESO 1. De nombreux scénarios d’accidents, impliquant des substances toxiques, avaient été pris en compte. Le scénario d’explosion d’ammonitrates n’avait cependant pas été envisagé. Cette lacune met en lumière les enjeux associés à une bonne évaluation des risques et à la disponibilité de l’expertise.

4) Le sinistre a, parmi ses conséquences, affecté deux établissements chimiques voisins du groupe SNPE, ce qui souligne la pertinence de l’analyse de possibles " effets domino ", dont la directive SEVESO 2 impose la prise en compte.

5) Le Gouvernement français a annoncé le 28 septembre une série de mesures faisant suite à la catastrophe de TOULOUSE, destinées notamment à améliorer la prévention des risques industriels et la maîtrise de l’urbanisation autour des sites à risques.

6) Le Parlement Européen a adopté le 3 octobre 2001 une résolution relative à l’accident de TOULOUSE qui souligne l’importance et la nécessité de mener dans ce domaine un travail communautaire.

7) Par le courrier adressé le 9 octobre 2001 par le ministre français chargé de l’environnement à la Commissaire chargée de l’environnement, à la Présidente du Conseil et à ses homologues, le gouvernement français a exprimé son souhait que les circonstances et les enseignements de la catastrophe de TOULOUSE soient discutés au Conseil Environnement du 29 octobre 2001.

Le présent mémorandum a pour objet de présenter les mesures que les autorités françaises estiment souhaitable d’examiner au niveau européen pour améliorer la prévention des risques industriels.

8) Ces propositions d’actions communautaires sont détaillées dans les fiches jointes en annexe. Elles visent à :

- lancer la réflexion sur l’adaptation du champ d’application de la directive SEVESO 2 pour renforcer les dispositions applicables aux établissements présentant un risque associé à la présence de nitrates d’ammonium (fiche 1)

- lancer une réflexion sur la possibilité d’atténuer le danger présenté par les engrais à base de nitrates d’ammonium au travers des spécifications techniques applicables à ces produits (fiche 2)

- renforcer les échanges entre Etats membres sur les risques associés aux nitrates d’ammonium (engrais et industriels) (fiche 3)

- de relancer la réflexion sur les mesures à adopter en vue de prévenir les risques d’accidents majeurs dans les ports et les gares de triage (fiche 4)

- renforcer les échanges entre Etats membres sur la cohabitation des activités à risques avec les autres activités économiques, les habitations et les voies de communication (fiche 5)

- lancer la réflexion sur une plus grande harmonisation des méthodes et des moyens du contrôle des établissements à risques par les autorités publiques (fiche 6)

9) Compte tenu de la gravité exceptionnelle de l’accident survenu à TOULOUSE le 21 septembre dernier, les autorités françaises expriment le souhait que la modification du champ d’application de la directive, en première mesure, puisse être étudiée rapidement par la Commission en vue d’une prompte inscription à l’ordre du jour d’un prochain Conseil Environnement.

10) Les autorités françaises soutiendront les efforts de la Commission afin que les Etats candidats à l’adhésion à l’Union Européenne appliquent le plus rapidement possible la législation communautaire applicable dans le domaine du risque industriel et participent aux actions communes d’échange et de coopération qu’initiera la Commission.

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Fiche 1 - Modification du champ d’application de la directive 96/82/CE du 9 décembre 1996 dite SEVESO 2

Le champ d’application de la directive SEVESO 2 est défini par un système de seuils applicables aux quantités de substances dangereuses présentes dans ces établissements.

Ces seuils sont fixés de sorte que les établissements présentant des risques majeurs soient couverts par les obligations de la directive.

La quantité de nitrates d’ammonium impliquée dans la catastrophe de TOULOUSE est probablement (sous réserve des conclusions de l’enquête officielle) inférieure aux seuils fixés par les nota 1 et 2 de l’annexe I, partie 1 de la directive, relatifs respectivement aux nitrates d’ammonium non conformes et aux nitrates d’ammonium conformes à la directive 80/876/CEE.

Les autorités françaises souhaitent que soit examiné un abaissement des seuils applicables à ces deux catégories de nitrates d’ammonium, sur la base des éléments disponibles de l’expertise de la catastrophe de TOULOUSE, portant notamment sur la nature des produits en jeu dans cette catastrophe, comme cela a été fait après la catastrophe d’ENSCHEDE en mai 2000 impliquant des substances explosives ou pyrotechniques.

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Fiche 2 - Adaptation des spécifications applicables aux engrais à base de nitrate d’ammonium

La catastrophe de TOULOUSE met en exergue les dangers intrinsèques associés aux engrais à base de nitrates d’ammonium. Ces dangers portent sur la détonabilité et la décomposition thermique.

La détonabilité de ces engrais dépend de plusieurs paramètres physico-chimiques, parmi lesquels la composition chimique, la cristallographie, la porosité.

Un abaissement de la teneur spécifiée en azote, par exemple, contribue à réduire ce danger sans être pour autant le seul paramètre à prendre en compte.

Les teneurs en azote actuellement admises sur ces engrais diffèrent selon les Etats membres.

Les spécifications afférentes à ces engrais font l’objet d’une législation communautaire à travers la directive 80/876/CEE du 15 juillet 1980, concernant le rapprochement des législations des Etats membres relatives aux engrais simples à base de nitrates d’ammonium et à forte teneur en azote.

Les autorités françaises souhaitent qu’une réflexion puisse s’engager en vue d’adapter, autant que possible, ces spécifications vers une moindre détonabilité intrinsèque de ces engrais.

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Fiche 3 - Renforcement des échanges entre Etats membres sur les risques associés aux nitrates d’ammonium

La catastrophe met en exergue la nécessité d’une bonne évaluation des risques associés aux engrais à base de nitrates d’ammonium (ammonitrates) et aux nitrates d’ammonium industriels.

Les autorités françaises souhaitent que soient rapidement échangées des informations sur la nature des risques associés à ces produits, les accidents passés, les normes et réglementations en vigueur, les scénarios et les accidents considérés dans les Etats membres.

A cette fin, l’expertise du Centre Commun de Recherche de la Commission pourrait être particulièrement utile comme cela avait été le cas dans le domaine des substances explosives ou pyrotechniques postérieurement à l’accident d’ENSCHEDE aux Pays-Bas en mai 2000.

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Fiche 4 - Réflexion sur les mesures à développer dans le domaine des ports et gares de triage

Selon les termes du considérant (12) de la directive SEVESO 2, les Etats membres peuvent, dans le respect du traité et en conformité avec la législation communautaire pertinente, maintenir ou adopter des mesures appropriées concernant les activités liées au transport aux docks, ports et gares ferroviaires de triage (où sont présentes des substances dangereuses) afin d’assurer un niveau de sécurité équivalent à celui établi par la directive.

Des accidents surviennent régulièrement dans les Etats membres dans ces infrastructures, en particulier les gares de triage.

La Commission a récemment coordonné des travaux associant les Etats membres et les sociétés européennes de chemin de fer, portant sur l’élaboration de plans d’urgence autour des gares de triage.

Les autorités françaises souhaitent vivement, au titre de la politique générale de prévention des risques industriels, que la Commission lance une réflexion sur les mesures à adopter pour assurer ce niveau de sécurité équivalent, à partir des mesures nationales dont les Etats membres lui ont déjà fait part.

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Fiche 5 - Renforcement des échanges entre Etats membres sur les dispositions visant à maîtriser l’urbanisation autour des sites à risques

La catastrophe de TOULOUSE pose la question de la cohabitation des activités à risques avec les autres activités économiques, les habitations et les voies de communication.

Le gouvernement français a décidé, à la suite de cet accident, le renforcement des outils permettant la maîtrise de l’urbanisation par l’institution, par voie législative, de plans de prévention des risques technologiques. Un débat national qui durera jusqu’à la fin de l’année 2001 a été lancé afin d’en préciser les modalités.

Compte tenu du caractère commun à tous les Etats membres de cette problématique, les autorités françaises suggèrent que les règles et outils applicables à la maîtrise de l’urbanisation dans les Etats membres fassent l’objet d’échanges entre eux.

Une réflexion sur l’adéquation des dispositions actuelles de maîtrise de l’urbanisation, selon les dispositions de l’article 12 de la directive SEVESO 2, devrait avoir lieu au niveau communautaire. Un séminaire européen sera organisé sur ce thème par la France début 2002.

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Fiche 6 - Renforcement des échanges sur les méthodes de contrôle des établissements à risques

La catastrophe de TOULOUSE pose la question de l’adéquation à la situation des moyens de contrôle, tant qualitatifs que quantitatifs, des établissements à risques par les autorités publiques.

Le Gouvernement français a décidé de renforcer sensiblement les moyens humains des autorités de contrôle des établissements polluants ou dangereux.

Au plan communautaire, dans le cadre du réseau IMPEL (Réseau de l’Union Européenne pour l’application et le respect du droit de l’environnement – the European Union Network for the IMPlementation and Enforcement of Environmental Law) ont été définis récemment des critères minimaux d’inspection, applicables aux installations sources de pollutions importantes ou à risques.

Ces établissements ne se limitent pas aux établissements SEVESO.

Concernant plus spécifiquement les établissements SEVESO, la Commission encourage depuis plusieurs années un système fructueux d’échange d’expérience et de méthodologie reposant sur des Visites d’Inspection Communes (Mutual Joint Visits) accueillies successivement par les différents Etats membres.

Les autorités françaises estimeraient souhaitable que dans le cadre communautaire soit d’une part renforcé ce système de Visites d’Inspection Communes et, d’autre part, engagée une réflexion commune sur l’organisation, les méthodes, les moyens du contrôle des établissements SEVESO dans les Etats membres pouvant conduire à émettre des recommandations aux Etats membres dans ce domaine.

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Fiche 7 - Renforcement de la coopération entre les organismes de recherche et d’expertise dans le domaine du risque accidentel

La catastrophe de TOULOUSE a souligné l’importance d’une bonne évaluation des risques par les industriels, premiers responsables de la sécurité, ainsi que de la bonne instruction des rapports de sécurité remis au titre de la directive SEVESO 2 par les autorités.

Ce sujet relève de l’organisation de la recherche et de l’expertise.

Une meilleure capacité en ce domaine repose notamment sur la possibilité de partage des activités de recherche entre divers financements, d’échange d’informations techniques et de participation à des programmes de travail communs au-delà des frontières nationales.

Ainsi, les autorités françaises ont sollicité l’aide du TNO néerlandais pour expertiser les effets de la catastrophe de TOULOUSE sur les industries voisines, en complément de l’expertise de leurs organismes nationaux (INERIS, IPSN notamment).

Les autorités françaises souhaitent le renforcement de la coopération et des échanges entre les divers organismes publics et privés menant des actions de recherche et d’expertise dans le domaine du risque accidentel, domaine dans lequel le Centre Commun de Recherche de la Commission pourrait jouer un rôle particulièrement utile.

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