Malgré l'explosion d'AZF, le budget de la sécurité industrielle reste limité.
Si seulement la catastrophe de Toulouse avait servi de leçon. Un an après l'explosion de l'usine AZF, le paysage de la sécurité industrielle n'a pas fondamentalement changé. En témoignent les arbitrages budgétaires présentés la semaine dernière. Il s'agissait de doubler le nombre d'inspecteurs des quelque 10 000 entreprises qui, selon le ministère de l'Ecologie, «présentent des risques d'accidents». Cela d'ici à 2005, au rythme de 150 embauches par an. Or, comme le révélait Libération le 27 août, et comme cela a été confirmé mercredi, le budget 2003 n'a pas débloqué les crédits nécessaires. Roselyne Bachelot, la ministre de l'Ecologie, avait bien tenté de couper court à la polémique en promettant le recrutement de 200 inspecteurs entre 2004 et 2007. «D'autres renforts équivalents en nombre seront obtenus par redéploiement», avait-elle ajouté. On reste loin du doublement des effectifs programmé par Yves Cochet, son prédécesseur. «Le gouvernement Raffarin ne tire pas la leçon de Toulouse, accuse aujourd'hui Gilbert Marsac, de la CFDT. L'Etat ne se donne pas les moyens d'assurer la sécurité des citoyens.» François Colpart, secrétaire général du Syndicat national des ingénieurs de l'industrie et des mines (Sniim), résume sèchement : «Un an après, l'anniversaire d'AZF a fait pschittt... Le seul point positif de ce drame était pourtant d'avoir mis un coup de projecteur sur la pénurie du contrôle dénoncée par la Cour des comptes depuis 1996.»
Rôle clé. Cette reculade est d'autant plus voyante que les inspecteurs jouent un rôle clé dans la prévention des accidents. A eux de s'assurer que les industriels prennent les mesures nécessaires pour éviter des scénarios du type AZF. «Nous instruisons les documents que l'industriel nous fournit, explique François Colpart. Mais nous sommes aussi des gens de terrain. Nous devons aller voir sur place si l'exploitant a bien mis en oeuvre ce qu'il déclare.» C'est là qu'intervient le manque cruel d'inspecteurs. «Nous devrions avoir plus de boue sur nos bottes, ajoute-t-il. La crédibilité du système de contrôle s'effrite quand on regarde la fréquence et le temps que nous passons sur les sites.»
Juste après l'explosion de l'usine AZF, le gouvernement a pourtant haussé le ton. Les bombes à retardement que constituent les 430 installations de stockage d'engrais et de nitrates d'ammonium ont fait l'objet d'inspections coups de poing. Onze ont vu leur activité suspendue. Les 670 établissements Seveso les plus dangereux ont été priés de produire une nouvelle étude de dangers. Ces documents envisagent différents scénarios d'accident, les mesures à prendre pour les éviter et en limiter les conséquences.
Concertation. Parallèlement, la réglementation a été renforcée : chaque établissement Seveso doit faire l'objet d'une tierce expertise indépendante. 140 sont en cours. 18 grou pes de concertation, associant industriels, syndicats, associations et population ont été installés autour de 60 établissements Seveso, et une trentaine sont en cours de création. Enfin, la Commission européenne a entrepris une révision de la directive Seveso qui devrait être soumise au Parlement européen. Elle prévoit la création de «distances de sécurité minima appropriées» entre zones dangereuses, immeubles d'habitation et voies de transports.
L'ancien ministre de l'Environnement avait amené jusqu'au Sénat un projet de loi sur les risques industriels. L'arrivée du nouveau gouvernement a fait retomber le soufflé. Roselyne Bachelot a bien promis qu'elle allait «reprendre et compléter» le texte de son prédécesseur pour le présenter au Parlement en janvier 2003. Pour Jean-Yves Le Déaut, rapporteur de la commission parlementaire sur AZF, ce projet ne présentera de réelles avancées que s'il traite «les questions d'indemnisation des victimes et d'urbanisation». Sur le premier point, Philippe Douste-Blazy, député-maire de Toulouse, a déclaré qu'il déposerait à la rentrée une proposition de loi pour que «dans les cas de catastrophe industrielle aussi importante, plus aucun sinistré ne soit sans indemnité ni sans logement». Sur le second, on peut avoir des doutes. Les députés de la précédente législature avaient suggéré la création d'un fonds public qui rachèterait les maisons situées trop près des usines à risque. L'actuel gouvernement répond que cette proposition «n'est pas arbitrée».
Avancée. Finalement, la CFDT n'a peut-être pas tort quand elle affirme que «l'uni que et tangible retombée positive de la catastrophe de Toulouse reste l'accord conclu le 10 juillet dernier» entre l'ensemble des organisations syndicales, CGT exceptée, et l'Union des industries chimiques. A compter du 1er janvier 2003, en effet, tout sous-traitant intervenant sur un site Seveso devra être habilité par un organisme extérieur. Une avancée, puisqu'à Toulouse la responsabilité des sous-traitants fait partie des hypothèses retenues.
Catherine COROLLER,Mathieu ECOIFFIER
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