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 Source : Liberation (20/09/2002)    Source : Liberation (21/09/2002)
[Articles du 21/09/2002] - [ Periode : 09-2002 (73 articles)] - [ Source : Liberation (36 articles)]

Article paru le 21/09/2002 - Cet article est la propriété du journal ou société : Liberation

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«Peut-être les psys n'ont-ils pas su faire»


Des milliers de Toulousains restent traumatisés et sont traités aux anxiolytiques.

Toulouse de notre correspondant «Cette ville n'est pas guérie...» C'est un clinicien de la psychologie qui fait le diagnostic. Henri Sztulman, qui enseigne aussi à l'université de Toulouse-Le Mirail, n'a qu'à lever les yeux pour apercevoir le chantier de la Maison de la recherche toujours en panne. «D'abord, dit-il, toutes les traces de l'explosion du 21 septembre sont loin d'être effacées.» Et ce rappel quotidien du traumatisme n'aiderait pas ceux qui l'ont subi à le digérer. «Enfin, le climat d'inquiétude générale n'est pas dissipé» : AZF a explosé dix jours après les attentats de New York. L'anniversaire de la catastrophe toulousaine coïncide avec une menace de guerre entre les USA et l'Irak. «J'ai recommandé à mes patients de ne rien voir à la télévision de la commémoration du 11 septembre.» Henri Sztulman ne marque pas de temps d'arrêt : «... Moi-même, je n'ai pas pu regarder ces images.»

Commémoration. Le 21 septembre à 10 h 17, il était présent à l'université avec Bernard Gaffié, un psychosociologue, et Bernadette Rougé, la directrice de l'UFR de psychologie. Les trois n'ont pas à aller chercher bien loin les exemples des différentes «stratégies d'évitement» mises en oeuvre par les Toulousains. Bernard Gaffié, qui s'était pourtant précipité vers les cellules de soutien psychologique à Toulouse le soir de l'explosion, n'a pas pu se résoudre à aller renforcer celles du Gard inondé : «Mon premier mouvement a été de me dire que j'avais déjà donné...» Plus directement parmi les sinistrés, Jean-Claude Bergeon, salarié d'AZF, a dit à la Dépêche du Midi qu'il ne se rendrait pas à la commémoration du 21 dans son usine. «A quoi bon se faire mal ?» Jean-Jacques Guellec, qui a été gravement blessé en ville, n'ira pas non plus aux manifestations organisées ce jour-là par la mairie. «C'est trop démagogique», nous dit-il. Lui garde à l'esprit l'image du maire Douste-Blazy venu lui rendre visite sur son lit d'hôpital après la catastrophe. «Il a poliment pris de mes nouvelles. Mais il était surtout intéressé de savoir si j'avais entendu une ou bien deux explosions...» «Les responsables politiques ne sont jamais inclus par les victimes d'une catastrophe dans les réseaux de solidarité, analyse Bernard Gaffié. Le premier sentiment de ces victimes est que les pouvoirs publics n'ont pas su les protéger.» A Toulouse, où ils ont laissé la ville se bâtir directement autour de l'usine, «les élus peuvent même être spontanément rangés parmi les responsables de l'agression subie», reprend le psychologue. Il y a des cas exceptionnels, «comme le maire de New York», qui est apparu le 11 septembre comme le protecteur de sa ville, ajoute son confrère Henri Sztulman. Mais n'est pas Rudolph Giuliani qui veut.

«Comme un bébé». Quelque 5 000 personnes ont à ce jour reçu un traitement de type anxiolytique, selon la préfecture. Laquelle précise que «l'impact est sans doute encore supérieur». L'enquête épidémiologique ne sera conclue qu'au printemps 2003. Avenue de l'URSS, Marie-Ange Destraud pleure à tout bout de champ : «Comme un bébé. J'ai pourtant 53 ans.» Rue de Menton, Francis Plasse, 42 ans, sait qu'il va passer «une nuit épouvantable» s'il n'est pas endormi à 2 heures du matin. Rue de l'Ourcq, Philippe, 41 ans, est devenu «insupportable» pour sa femme et sa fille, tellement il est aujourd'hui irritable. Seul ce dernier a consulté un médecin. «Beaucoup de personnel des secours s'est improvisé soignant, note Bernadette Rougé. Sans approche scientifique.» «En tout cas, le simple débriefing ­ on écoute, on fait parler, on console ­ ne suffit pas, réfléchit Henri Sztulman. Peut-être, faute d'avoir jamais connu ce type de catastrophe, les psychologues n'ont-ils pas su faire...»

Manuel. La Sécurité sociale a relevé 3 419 «cas nouveaux» de traitement par anxiolytique. Les consultations liées au stress avaient doublé dans les deux jours qui ont suivi l'explosion et triplé le troisième. Un chiffre qu'il faudrait «au moins doubler», selon Henri Sztulman, pour compter ceux qui n'ont pas consulté. «En tout cas, conclut le clinicien, ceux-là ont dû épuiser leur capital de défense immunitaire. Les Toulousains doivent s'attendre à des pics de maladies que rien ne laissait prévoir chez eux.» Bernadette Rougé entreprend de recenser les cas de zona autour d'elle. Pour le quotidien posttraumatique, les psychologues de l'université du Mirail ont publié un manuel de 15 pages destiné à aider ses proches à surmonter cet état. Il conclut que, avec un traitement, les personnes atteintes de «désordres anxieux (...) peuvent aller mieux, voire guérir»... Ça remonte effectivement le moral.

Gilbert LAVAL


 Source : Liberation (20/09/2002)    Source : Liberation (21/09/2002)

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