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 Source : Liberation (20/09/2002)    Source : Le Monde (20/09/2002)
[Articles du 20/09/2002] - [ Periode : 09-2002 (73 articles)] - [ Source : Sud Ouest (11 articles)]

Article paru le 20/09/2002 - Cet article est la propriété du journal ou société : Sud Ouest

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«Un énorme gâchis»


Photo © Sud Ouest Le 21 septembre à Toulouse risque d'être un anniversaire empoisonné. Les ouvriers désormais chômeurs se retrouvent demain sur le site anéanti

L'anniversaire a le profil d'un dépôt de bilan. L'explosion de l'usine d'engrais ammoniaqués du groupe TotalFinaElf laisse un cratère, un cadavre chimique, vingt et une familles en deuil et une autre ville. Toulouse a momentanément cessé de rêver à ses succès passés. Depuis une vingtaine d'années, la première ville aéronautique d'Europe, la cité d'Airbus et des nouvelles technologies, s'était convaincue d'avoir bâti l'endroit doux et fort du bien-vivre parfumé de sud. Demain samedi, les ouvriers sans travail du pôle chimique vont se retrouver entre eux sur le site anéanti, colère rentrée, puis dans un local syndical du Mirail. Philippe Douste-Blazy prendra la parole place du Capitole. Ailleurs, dans la rue, défileront les associations du collectif Plus jamais ça, qui iront plus tard débattre sous les tentes. Personne ne se rencontrera. C'est voulu, afin d'éviter les affrontements. Un an après, Toulouse exhume un très lourd dossier social et de profonds désaccords sur son avenir. Une inscription rageuse à l'entrée de l'usine rappelle cette fracture : « Salariés sacrifiés et exécutés sans preuves ni jugement. » « Il y a confrontation, relève prudemment François Simon, le leader de l'opposition, entre des habitants qui veulent retrouver leur ville sans les dangers, et des gens fiers de leur outil, particulièrement attachés à leur culture de vieille entreprise chimique. Le malaise est d'autant plus grand que, directement touchés par le drame, ils n'ont pas accepté l'idée de se voir imputer une faute. C'est très triste. Nous aurions dû nous mettre d'accord sur le fond. C'est-à-dire le drame de la course au profit et de la sous-traitance disqualifiée. »

Une « usine poubelle ». Au centre du débat qui divise toutes les couches de la population toulousaine, s'impose aujourd'hui un constat sec : AZF a disparu (491 emplois), la SNPE perd 296 postes, Tolochimie ferme (106), la chute des sous-traitants de l'aéronautique menace entre 4 000 et 5 000 emplois et le secteur des télécommunications se prépare à traverser la tempête. « Ne manquerait plus que Bush bombarde l'Irak, soupire Claude Terrazzoni, le président de la Chambre de commerce, et nous n'aurions plus aucune raison d'être optimiste. » Le président de la CCI vient de découvrir un nouvel écueil. L'ampleur de la mobilisation, dans la capitale de Midi-Pyrénées, contre les activités dangereuses, a paralysé les candidats à l'installation. Toulouse, identifiée comme l'une des villes les plus attractives de France pour les entreprises, a désormais un problème central dénoncé par les responsables économiques et les personnels sans travail : la chimie est devenue maudite et ceux qui s'en prévalent enragent de voir s'accumuler les attaques. Les ouvriers du pôle n'ont jamais accepté d'être identifiés à « une usine poubelle » alors qu'ils estimaient appartenir à la structure la plus moderne du groupe. « Nous avons le sentiment d'être confrontés à une forme d'extrémisme, regrette Robert Baggi, rapporteur du CHSCT (1) d'AZF. Quand les salariés parlaient de redémarrage ils pensaient à des mesures de sécurité draconiennes qui auraient permis de faire du site un laboratoire ouvert aux écoles de chimie et aux populations. Cette catastrophe aurait pu servir à quelque chose. Au lieu de quoi nous n'arrivons pas à enterrer nos morts. Parce que l'origine de l'explosion pollue les débats. C'est la deuxième catastrophe de Toulouse. »

Le phosgène en Chine. Les nouveaux chômeurs ont surtout la conviction que la fracture vient d'une opposition systématique des groupes de pression aujourd'hui en ordre de marche. « On parle pour l'avenir d'un pOle de chimie fine, explique un cadre d'AZF, et tout le monde sourit, y compris les politiques. Qu'est-ce ça veut dire une chimie fine ? La toxicité des molécules restera. Seule compte la sécurisation de la manipulation. Nous ne disons pas la vérité. » Comment la commémoration du 21 septembre pourrait-elle adoucir le divorce ? « A partir d'un sentiment justifié de la population d'avoir été trahie par les entrepreneurs, souligne Stéphane Miralles, secrétaire du CHSCT de la SNPE, il y a eu une récupération politique par certains groupes écolos, tendance extrême gauche. Ils ont vu la possibilité d'attaquer le symbole de la grosse boîte Total sans se donner le temps de la réflexion. Curieusement, dans l'explosion d'AZF, ce sont ces groupes extrémistes qui sortent gagnants, et le MEDEF. « TotalFinaElf peut désormais fabriquer ailleurs ce que l'association salariés-riverains n'aurait pas accepté à Toulouse sans changer la réglementation. C'est un énorme gâchis, un véritable échec. Le phosgène est désormais produit en Chine et en Hongrie, pendant que nous n'arrivons pas à nous parler. »

(1) Comité d'hygiène et de sécurité sur les conditions de travail.

Christian Seguin


 Source : Liberation (20/09/2002)    Source : Le Monde (20/09/2002)

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