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 Source : Le Figaro (01/07/2002)    Source : La Depeche (01/07/2002)
[Articles du 01/07/2002] - [ Periode : 07-2002 (62 articles)] - [ Source : Le Figaro (22 articles)]

Article paru le 01/07/2002 - Cet article est la propriété du journal ou société : Le Figaro

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AZF : la sécurité négligée


Selon un rapport de l'inspection du travail, responsables de l'usine et sous-traitants ont perdu de vue le risque d'explosion

L'enquête sur l'explosion de l'usine AZF de Toulouse a progressé récemment. A la suite de la remise d'un rapport intermédiaire des experts, évoquant l'hypothèse d'un mélange accidentel d'un dérivé chloré, le DCCNa, avec du nitrate d'ammonium dans le sas du hangar 211 où a eu lieu l'explosion, douze salariés de l'usine ont été mis en examen il y a quinze jours. Par ailleurs, un rapport administratif de la Direction départementale du travail met en cause l'organisation du travail à l'intérieur d'AZF, notamment en matière de gestion de la sécurité. Lorsque le procureur de la République a retenu la thèse de l'accident avec une quasi-certitude, les enquêteurs envisageaient une réaction chimique qui se serait produite dans le hangar, sous le tas de nitrate. Apparemment cette piste est abandonnée. Deux points doivent être éclaircis par l'enquête : normalement le DCCNa dégage une forte odeur chlorée qui aurait dû alerter les employés qui auraient manipulé le sac. Existe-t-il une variété de ce produit sans odeur ? Si oui, était-elle fabriquée sur le site ? Comment était effectuée la traçabilité de la production de DCCNa ? Y avait- il des négligences qui permettent de supposer que 500 kilos de produit puissent se perdre ? Alors que le gouvernement pourrait se prononcer aujourd'hui sur l'avenir de la chimie toulousaine, Le Figaro verse deux pièces au dossier.

Après l'explosion de l'usine AZF qui, le 21 septembre 2001, a dévasté une partie de Toulouse, la Direction départementale du travail de l'emploi et de la formation professionnelle (DDTE) de Haute-Garonne a établi un rapport d'enquête administrative dont les conclusions mettent gravement en cause l'organisation de la sécurité générale du site et plus particulièrement celle liée à la gestion des entreprises sous-traitantes appelées à manipuler des substances dangereuses. Selon la DDTE, le groupe Grande Paroisse, propriétaire de l'usine sinistrée, aurait « perdu la maîtrise de la sécurité sur une partie du site » du fait de « la multitude d'intervenants (entreprises sous-traitantes et intérimaires) et de l'absence de procédure de contrôle de leurs interventions ». Ces recours répétés à la main-d'oeuvre extérieure « ont introduit un espace non connu du donneur d'ordre sur le site », évaluent les deux inspecteurs du travail qui ont rédigé ce rapport, signé par Christian Lenoir, directeur de la DDTE de Haute-Garonne.

Au cours de leur enquête, les inspecteurs de l'administration du travail ont relevé que « l'encadrement de Grande Paroisse a pu expliquer ce qui était attendu des sous-traitants, à savoir le travail prescrit, mais il ressort que ledit encadrement ignorait, de fait, la réalité du travail effectué par ces sous-traitants ». La DDTE constate « l'abandon » dans lequel étaient tenus les salariés extérieurs au groupe chimique : « Il est ressorti que les salariés des sous- traitants travaillaient de manière isolée, ils étaient en quelque sorte livrés à eux-mêmes. » La DDTE admet cependant que « des contacts (entre Grande Paroisse et ses sous-traitants, NDLR) avaient bien lieu », mais ils étaient établis « pour des problèmes liés à la commercialisation des produits (...) mais non pas pour la sécurité ».

L'une de ces sociétés extérieures « ne maîtrisait pas l'activité qu'elle avait à traiter (...). L'examen des documents (contrats de sous-traitance, NDLR) fait apparaître qu'aucun plan de prévention écrit n'a été établi ni pour 2000 ni pour 2001 entre Grande Paroisse et (cette entreprise). Le dernier plan de prévention qui a pu nous être présenté date de 1997 », constatent les rapporteurs. Or, d'après l'enquête de police, c'est un manutentionnaire intérimaire qui aurait amené du chlore dans le bâtiment 221, où ne devaient être entreposés que des ammonitrates. Selon l'expertise scientifique, ce mélange chlore- ammonitrates serait à l'origine de la déflagration (nos éditions du 6 juin). Par la voix de Serge Biechlin, directeur d'AZF Toulouse, Grande Paroisse a estimé que ce scénario paraissait « infondé ». A plusieurs reprises, la direction de l'entreprise a fait valoir que la sécurité du site s'inscrivait parmi les « préoccupations majeures », et que de très lourds investissements étaient « en permanence effectués dans le sens d'une amélioration constante ».

Les inspecteurs de la DDTE, pour leur part, disent avoir constaté que, « au fil du temps, les précautions prises sur le site relèvent presque exclusivement de la prévention du risque d'incendie. On a perdu de vue le risque d'explosion ». Par ailleurs, concernant plus précisément le hangar 221, d'où est partie l'explosion, l'inspection du travail estime que « son utilisation et sa gestion n'ont pas fait l'objet d'application de mesures adaptées aux risques liés au stockage de nitrate d'ammonium ». Le domaine d'intervention de la DDTE n'amène pas l'administration à prendre parti dans la bataille qui oppose les premières conclusions judiciaires à la version défendue par Grande Paroisse. L'entreprise soutient notamment qu'un dysfonctionnement électrique a pu occasionner la mise à feu des ammonitrates, et déplore que cette « piste électrique » ait été « insuffisamment explorée ».

Cependant, la DDTE a pointé un certain nombre de « dérives » au regard du respect du droit du travail. Ses observations ont été jugées suffisamment graves pour que le procureur de la République ouvre, courant avril, un réquisitoire supplétif pour « infractions au Code du travail ». Tout en restant dans le cadre de leur mission, les inspecteurs du travail mettent cependant leurs observations en perspective dans une conclusion cinglante : « S'il ne peut être affirmé que ces manquements ont un lien direct avec l'explosion (...), il n'en demeure pas moins qu'ils ont participé à l'ensemble des causes de l'accident ; et qu'ils caractérisent une situation très éloignée de ce que devrait être un système des gestions de la sécurité proportionné aux risques encourus. »

Philippe Motta


 Source : Le Figaro (01/07/2002)    Source : La Depeche (01/07/2002)

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