Une pièce essentielle transmise à la justice par la commission d'enquête interne du groupe pétrolier
La piste dite « du chlore », privilégiée par l'enquête judiciaire chargée d'établir les causes de l'explosion de l'usine AZF de Toulouse, qui a fait 30 morts et plus de 2 000 blessés le 21 septembre dernier, est jugée « infondée » par la commission d'enquête interne mise en place dès le lendemain de la catastrophe par la société Grande Paroisse, du groupe TotalFinaElf. Le 15 janvier, le procureur de la République de Toulouse, Michel Bréard, avait énuméré une longue liste de négligences qui auraient abouti à la mise en contact des 300 tonnes de nitrate d'ammonium stockées dans le hangar 221 avec des déchets divers (fuel, bitume, soufre...) et un dérivé chloré, le DCCNa (ou dichloroisocyanurate de sodium), pour former un mélange détonant à l'origine de l'explosion.
Dans un rapport d'étape daté du 18 mars dernier, transmis à la Direction régionale de l'industrie, de la recherche et de l'environnement (Drire) de Midi-Pyrénées ainsi qu'au parquet de Toulouse et dont Le Figaro a pu se procurer un exemplaire, cette commission d'experts internes et externes à TotalFinaElf fonde sa conclusion « sur une reconstitution minutieuse et documentée des mouvements de produits mis en cause ». D'après l'enquête judiciaire, une benne de DCCNa aurait été déversée par erreur dans le sas d'entrée du hangar 221, environ une demi-heure avant qu'il n'explose, par un ouvrier de la Surca, une entreprise sous-traitante chargée de la gestion des déchets produits sur le site. De l'avis des experts mandatés par la justice, le DCCNa, une fois mis en contact avec du nitrate d'ammonium, provoque une détonation en un temps très court : entre quelques secondes et une dizaine de minutes, selon le degré d'humidité.
Le rapport de la commission interne de Grande Paroisse fait aussi état d'« une réaction explosive, mais non qualifiée de détonation, en mélange 50/50, à température proche de l'ambiante et dans des conditions spécifiques différentes de celles qui auraient pu exister dans le magasin 221, le 21 septembre (granulométrie fine, mélange intime, ajout d'une quantité spécifique d'eau) ». Mais surtout, la commission est parvenue à reconstituer l'itinéraire d'un grand récipient vrac souple (GRVS, capable de contenir une demi-tonne de produit) de DCCNa, retrouvé vide dans le bâtiment dévolu à l'entreposage des sacs usagés de nitrate et d'urée avant recyclage. C'est ce GRVS dont le contenu est présumé avoir été déversé par erreur dans le sas du hangar 221.
Il s'avère que ce GRVS était « marqué comme faisant partie d'un lot fabriqué en juin 2001 et expédié en juillet qui avait été perforé (...) lors de l'opération de chargement ». Le document précise plus loin que « son contenu avait été intégralement transvasé dans un autre GRVS pour être expédié avec le même lot (lot intégralement parvenu au client). La traçabilité du GRVS transvasé, reçu par le client (NDLR : la société Blue System) parmi un lot de 18 GRVS tous identifiés par le même numéro de lot (AAF06), a été vérifiée ». Conclusion : le contenu de ce sac, présumé être à l'origine du drame, avait quitté l'usine deux mois avant l'explosion... En outre, l'ouvrier de la Surca, qui est en poste sur le site depuis huit ans, a toujours affirmé que la benne qu'il a vidée transportait bien du nitrate d'ammonium provenant d'un GRVS « fuyard » dont il aurait pelleté lui-même le contenu à la main. Contacté hier, le directeur de la Drire nous a fait savoir qu'il réservait sa réponse au Parquet sur cette pièce essentielle transmise par la filiale de TotalFinaElf.
Marc Mennessier
(Pour rappel, la diffusion d'articles est soumise à
des règles strictes. Je vous invite à consulter celles-ci en cliquant
directement sur le logo en en-tete de page pour accéder au jounal propriétaire
de cet article. En ce qui concerne le site sur lequel vous vous trouvez http://www.lesnews.org,
les demandes ont été faites ou sont en cours. Pour plus d'informations,
sur le drame de Toulouse, je vous invite également à consulter
les articles disponibles ou dossiers sur les sites multimédias de ces
journaux, accessibles également en cliquant via le logo du journal assoccié
en en-tête)
