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 Source : Tout Toulouse (28/11/2001)    Source : Le Monde (29/11/2001)
[Articles du 28/11/2001] - [ Periode : 11-2001 (256 articles)] - [ Source : Tout Toulouse (78 articles)]

Article paru le 28/11/2001 - Cet article est la propriété du journal ou société : Tout Toulouse

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Débat sur l'avenir du pôle chimique - Marc Atteia - Amis de la Terre


Marc Atteia - Amis de la Terre " Aucune activité industrielle ne peut garantir le risque zéro. Ces risques sont calculés. Cela révèle le cynisme des industriels. Il s'agit d'une logique de guerre "

La catastrophe d'AZF a fait brutalement sortir les Toulousains d'un sommeil hypnotique qui durait depuis plusieurs décennies. Ils ont découvert, avec stupeur, qu'on leur avait menti, depuis longtemps ; que le complexe chimique de la Grande Paroisse était très dangereux, qu'il avait été aberrant et criminel de laisser le tissu urbain enserrer ce site industriel, et que le Plan particulier d'intervention (PPI), qui devait les protéger, avait été totalement inefficace. Aujourd'hui, la situation est confuse, les pouvoirs publics sont très réticents à fournir les informations qu'on leur demande, et la menace grave que la SNPE et Tolochimie font peser sur Toulouse est toujours présente, angoissante pour beaucoup. Le plus grand nombre s'accorde pour exiger la fermeture des usines Seveso et le " retour à l'herbe " du site qui les abrite encore actuellement.

Pour initier cette réflexion, nous proposons d'examiner, pour le démystifier, le discours qui a endormi la vigilance des Toulousains et qui, ouvertement ou insidieusement, est repris, aujourd'hui, par plusieurs personnes ayant autorité. Aucune activité industrielle ne peut garantir le risque zéro. Les risques industriels, aujourd'hui, sont des risques calculés. Cette argumentation occulte sciemment les différences d'échelle entre les risques que les entreprises font encourir à leurs ouvriers et à la population des villes, des régions ou des pays où elles sont implantées. Entre l'explosion d'une bonbonne de gaz dans un atelier, la terrible explosion de l'usine AZF et l'effroyable explosion d'un réacteur à la centrale nucléaire de Tchernobyl, il n'y a aucune commune mesure. Le nombre de victimes de la première se compte par dizaines, celles de la seconde par milliers et celles de la troisième par millions. Quant aux dégâts produits, ils sont dans les mêmes rapports.

Cet argument, quand on le confronte à la réalité, révèle le cynisme des capitaines d'industrie et de leurs actionnaires. La logique qui guide ceux-là est une logique de guerre. Pour eux, l'accident est admissible tant qu'il n'affecte pas la rentabilité de l'entreprise. Ainsi le sous-directeur de l'AIEA (Agence internationale de l'énergie atomique) disait-il, peu après la catastrophe de Tchernobyl : " Même s'il y avait un accident de ce type tous les ans, je considérerais le nucléaire comme une source d'énergie intéressante. " (...). Les PPI, qui admettent, implicitement, que la population doit être prête au sacrifice pour que vive l'entreprise, relèvent de la même logique : " On ne peut décider, du jour au lendemain, sous le coup d'une grande émotion (légitime) de priver une région (le pays tout entier) d'entreprises qui assurent sa prospérité (qui contribuent à la grandeur de ce pays) ". (...).

" On n'arrête pas le progrès ! ". Mais quel est donc ce progrès que nous voudrions arrêter, et pourquoi voudrions-nous " retourner à la bougie " ? Nous sommes de ceux qui souhaitent, qui espèrent un authentique progrès moral de l'humanité ; nous voudrions que partout les hommes politiques et les magistrats soient intègres, que le commerce international soit juste et que partout la corruption soit réprimée, que le racisme, l'exclusion et la guerre, qui génèrent tant de malheurs, soient bannis. En fait, ce n'est pas de ce progrès moral dont on nous parle. (...).

Parce que l'homme a décodé en laboratoire la structure intime du monde matériel et du monde vivant, nombreux sont ceux qui croient qu'il détient la clé de l'univers. A cette croyance en la maîtrise du monde, la situation de notre planète, en ce début du vingt et unième siècle, apporte un flagrant et terrible démenti : l'effet de serre et le réchauffement de la planète qui en résulte, les maladies à prions, les pollutions multiples aggravées dans les grandes métropoles, la fragilité et la vulnérabilité des hyperstructures hypercomplexes modernes (dans les domaines de l'industrie de l'économie, de la politique, etc.) font peser dès maintenant sur l'humanité des menaces d'une extrême gravité. Il nous faut admettre, maintenant, que, contrairement à ce que laissent entendre certains (beaucoup de) thuriféraires de la technoscience, la matière n'est pas une glaise que la technique pourrait modeler à sa guise, et que le vivant n'est pas réductible à l'agencement des gènes de l'ADN. Les modèles que les scientifiques ont élaborés ne sont que de balbutiantes approximations du réel dont la complexité nous transcende (sans doute, à tout jamais).

Il faut que nous nous rendions à l'évidence et que nous n'accordions plus de crédit aux beaux discours de tous les bateleurs patentés qui nous promettent un avenir merveilleux grâce au concours de la technoscience et du marché (capitaliste). Nous sommes appelés à nous libérer des vieilles idées reçues qui ligotent notre pensée et entravent toute velléité de changement. Aujourd'hui, le progrès est dans la remise en cause radicale des paradigmes sur lesquels sont fondées nos sociétés développées ; il exige une reconversion de nos pratiques afin qu'elles deviennent respectueuses en même temps des grands équilibres écologiques et de tous les êtres humains. Après la catastrophe de l'AZF, il serait affligeant que les Toulousains ne s'interrogent pas en différents lieux, en différents temps, sur la fable du progrès qu'on leur a contée pour leur faire accepter l'inacceptable. Aujourd'hui, la vie dans les grandes cités est de plus en plus tendue, inhumaine pour plusieurs ; demain, une autre catastrophe peut advenir, une catastrophe nucléaire majeure peut se produire (comme l'admettent les nucléocrates) ; il est essentiel et urgent que nous sachions si nous acceptons cela et pourquoi, et, si nous le refusons, que nous réagissions sans tarder. " Les Toulousains sont sortis d'un sommeil hypnotique et découvrent qu'on leur a menti "

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Marc Atteia est membre des Amis de la Terre de Midi-Pyrénées,qui fut une des premières associations à dénoncer la dangerosité du site.


 Source : Tout Toulouse (28/11/2001)    Source : Le Monde (29/11/2001)

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