Un peu plus loin, des travailleurs vétus de combinaisons blanches et munis de masques procèdent au désamientage du site. Une remorque marquée " décontamination " est garée près d'un bâtiment. Pierre Labeyrie s'entretient ensuite avec une femme pompier. Il tente d'obtenir confirmation d'un renseignement fourni par le commandant Fleury, du service départemental d'incendie et de secours (SDIS) de Haute-Garonne : il n'y a plus de pompiers professionnels sur le site. Les visiteurs apprendront que les pompiers amateurs d'AZF peuvent joindre un " correspondant ", mais pas à tout moment : il est à mi-temps.
Changement d'ambiance à la SNPE, le 23 octobre. " Distribution de masques à gaz, casques, lunettes et départ en bus. Il pleut, c'est assez sinistre " note d'emblée le compte-rendu de visite à l'attention du collectif. Masques et lunettes sont dans des sachets posés sur une table, à coté des badges nomminatifs qui attendent les visiteurs, inscrits au préalable. Les cinq du collectif n'auront pas besoin de sortir leurs masques à gaz. Ils ont le droit à une rapide démonstration dans le bus, " comme le font les hôtesses de l'air dans les avions " s'amuse Henry Farreny. Pierre Labeyrie, qui militait pour une distribution générale de masques à gaz aux riverains, note avec satisfaction que leur fonctionnement peut être facilement expliqué. A Tolochimie, il en profitera même pour demander les coordonnées du fabricant. A l'inverse, Jean-Pierre Bataille retient que les masques sont difficiles à mettre et inadaptés aux enfants. " On ne peut tout de même pas vivre en permanence avec ça en bandoulière " s'écrie le prof du lycée Déodat-de-Séverac. Pour sa part, Dominique Gilbon savoure presque d'être, pour une fois, "du bon coté de la barrière" : " la dernière fois que j'étais venu avec Pierrot Labeyrie pour faire des prélèvements d'eau dans la Garonne de l'autre coté du grillage, on s'était fait engueuler par un gardien parce qu'on n'avait pas de masques à gaz " raconte le militant des Amis de la Terre en souriant.
La visite en bus fait beaucoup moins sourire Jean-Pierre Bataille. " Je ne m'attendais pas à ça. Ca faisait beaucoup plus "tourisme" qu'autre chose. On avait l'impression qu'on ne pouvait pas s'arrêter partout ". Henri Farreny, qui avait déjà eu l'occasion de visiter l'usine à plusieurs reprises dans le cadre du SPPPI (secrétariat permanent pour la prévention des problèmes industriels), confirme que c'est bien la première fois que le tour du site s'effectue en bus. Alors que le véhicule démarre, le directeur de l'usine, Roger Meyniel, poursuit au micro la présentation commencée dès l'arrivée des visiteurs dans le bâtiment d'accueil. Alain Marcon préfère s'installer à l'arrière du bus pour discuter avec le chef de la sécurité. L'équipage passe devant de nombreux bâtiments détruits par le souffle de l'explosion : des bureaux et des bâtiments " sociaux " qui devront être rasés, explique le directeur. Au passage, les visiteurs aperçoivent plusieurs tentes militaires de type "Marabout" et un hôpital de campagne qui semble faire office d'infirmerie. " Mais nous n'avons pas vu l'ombre d'un képi " précise Henri Farreny. Bien que dépendant de la tutelle du ministère de la Défense, l'entreprise met un point d'honneur à se présenter comme totalement " civile ". " Nous ne travaillons pas pour l'armée " assure Roger Meyniel, en réponse à une question provocante demandant : " le phosgène utilisé en Irak contre les Kurdes, c'était vous ? ". Les affirmations du directeur de la SNPE n'ont toutefois pas convaincu les visiteurs, insatisfaits du flou entretenu sur les quantités exactes de phosgène produit et ses destinations.
A la SNPE, démonstration des masques à gaz dans le bus. " Comme des hôtesses de l'air "
Stéphane Thépot
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