Les cabanes ont à peine bougé. Tout juste une porte est-elle légèrement sortie de ses gonds, quelques tuteurs se sont penchés. Les légumes, eux, ont tenu bon, les jardiniers aussi. Car nous ne sommes pas dans un quartier d'habitation, mais dans un grand jardin social. Un terrain municipal, coincé entre les tours de Bellefontaine et la rocade filant vers Foix et Tarbes. À deux pas d'AZF, donc.
Il suffit au regard de passer le talus de la rocade au fond du jardin pour découvrir la grande tour rouge et blanche. Juste derrière, les bâtiments sportifs de Gironis sont en miette et les maisons d'habitation de la route de Seysses ne sont pas en meilleur état.
Tout a été bouleversé dans le quartier sauf ce jardin. " C'est la digue que forme la rocade qui nous a protégés ", raconte Claude, responsable technique du jardin. " Le "blast" est passé au dessus de nous, et il n'y a rien eu. À peine, peut-être, quelques retombées chimiques. Regardez donc ces salades aux feuilles nécrosées "
Pas question ici, en tout cas, de porter flanc à la rumeur qui a laissé entendre que depuis l'explosion du 21 septembre, un nuage d'engrais fait pousser les pelouses plus vite dans la ville Ce jardin familial a été créé il y a un peu plus de deux ans par une association de La Faourette, Partage (tout Toulouse du 24 octobre 2000). Lancé avec trente-deux parcelles, il a tout de suite accueilli six nationalités différentes parmi ses locataires jardiniers : des Algériens, des Marocains, des Tunisiens, des Français (les " Gaulois " comme disent les autres), des Irakiens et des Centrafricains. Pour y cultiver la diversité, celle des rencontres autant que celle des récoltes. Depuis, le jardin s'est agrandi, pour atteindre quarante-huit parcelles. Et accueillir l'Asie, après l'Europe, l'Afrique et le Proche Orient.
Des familles laotiennes et vietnamiennes ont en effet rejoint cette étrange communauté. Et sont arrivées avec leurs bagages semencier et technique. Le jardin des Vietnamiens surprend par son organisation et sa simplicité : pas de bordure, pas de tuteur, juste des petites parcelles de terre levée, accueillant autant de cultures différentes. Une différence étonnante avec un autre jardin attenant, celui d'une famille camerounaise, où taros, maniocs et salades exotiques se mélangent allègrement dans des parcelles aux contours peu définis. Le jardin laotien présente encore un autre visage, avec ses choux chinois très élancés, ses haricots géants grimpants sur la cabane, ses autres plantes qui demanderont de se plonger dans un livre savant pour les reconnaître. C'est le jardin le plus proche de la voie rapide, le plus proche d'AZF. C'est un petit bout du monde qui a survécu à la catastrophe.
Frédéric Lisak
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