Alignement de gigantesques cuves cylindriques, tuyauteries compliquées, relents nauséabonds... Aussi connu que le bouchon de Fourvière, le couloir de la chimie, qui s'étend de la porte sud de Lyon jusqu'à Givors, sert de décor visuel et olfactif sur l'autoroute des vacances. A dix kilomètres du centre-ville, et sur dix autres kilomètres, il y a là la plus grosse concentration de produits chimiques de toute nature, stockés, manipulés et transformés en France. La zone compte douze établissements dits «à haut risques» (une terminologie que certains experts préfèrent à celle du classement Seveso, en cours de réactualisation). Des «bombes» , selon Jean-Louis Touraine, premier adjoint de Gérard Collomb. Qui contiennent du styrène, des acides fluorhydriques et salicyliques, du phénol, du chlore, de l'ammoniac, des solvants, du chlorure de vinyle, des hydrocarbures (benzène, propane, butane)...
Certaines sociétés sont implantées à l'intérieur même de Lyon: c'est le cas, dans le VIIe arrondissement, du complexe pétrolier du port Edouard-Herriot, qui a explosé en juin 1987. Il y avait eu deux morts, sept blessés graves. Les trois sphères de stockage de propane et butane de Butagaz, «qui doivent être déplacées depuis longtemps», selon un élu de la communauté urbaine de Lyon, sont toujours là. Plus loin, se succèdent les établissements d'Atofina, Ciba, Rhodia, puis l'imposante raffinerie de Feyzin, surmontée de sa torchère. Enfin, quotidiennement, ce sont 5 500 camions chargés de produits dangereux, toxiques ou inflammables qui traversent l'agglomération.
En dehors de la raffinerie, achevée au début des années 60, la plupart des sociétés aujourd'hui montrées du doigt se sont installées ici avant la Première Guerre mondiale. «L'histoire de la vie industrielle de Lyon a un siècle», explique Yves Guitton, directeur de la Maison de la chimie à Lyon. «Les premières entreprises se sont créées pour fournir des produits de traitement pour la soie ou la photographie. Elles s'étaient implantées dans des zones marécageuses. Il n'y avait alors pas de cités, pas de routes.» Le trafic ferroviaire s'est intensifié, l'autoroute s'est construite et les usines se sont trouvées peu à peu imbriquées au milieu des habitations. Il aura fallu le drame de Feyzin en 1966 (18 mort, 80 blessés) pour, que dix ans plus tard, soit adoptée la réglementation sur les installations classées.
Dix nouvelles années plus tard, en 1987, la prise en compte des risques industriels allait enfin se traduire par des contraintes d'urbanisme. Désormais, il n'est plus possible de construire ou d'étendre des habitations dans les zones proches des usines potentiellement dangereuses. Mais on vit toujours entre les murs bâtis avant 1987...«Les responsabilités sont collectives», soupire Michel Reppelin, vice-président du Grand-Lyon en charge des risques industriels. Il se souvient des rudes batailles, au début des années 90, entre le préfet et les maires de l'époque qui se sont vu imposer par l'Etat des projet d'intérêt général (PIG) permettant de geler les zones résidentielles autour des sites industriels. Les élus avaient, en substance, rétorqué à l'Etat : «Laissez-nous conduire nos affaires, à vous de faire en sorte qu'il n'y ait pas de risques pour la population.»
A grand renfort de millions, on a tenté de ménager la chèvre et le chou, de trouver un équilibre entre les intérêts des industriels et ceux de la société, de préserver l'emploi et l'économie tout en arrivant au fameux «niveau de risque acceptable» pour la population.«Dans notre couloir, nous avons la meilleure chimie d'Europe, peut-être du monde, affirme Jean-Claude Charpentier, directeur de l'Ecole supérieure de physique et chimie de Lyon, actuellement au congrès mondial sur le génie des procédés, en Australie. Tout le monde reconnaît que nous sommes pionniers en matière de sécurité. Mais les installations sont vieillottes. L'usine de demain, sera plus compacte et laissera davantage de place à la verdure. Ce n'est pas une utopie, les technologies existent. Il faudra du temps, mais maintenant que la qualité de la vie est devenue un fait sociétal, l'industrie va suivre.»
Le débat s'est déplacé, sous le coup de l'émotion suscitée par la catastrophe de Toulouse. Il ne s'agit plus d'atteindre un risque acceptable mais bien de remettre en question l'existence même des entreprises aux abords des zones urbaines, remarque un ingénieur de la Drire. Mais comment être sûr de ne pas voir se reproduire ailleurs le même phénomène d'urbanisation ?
Zoé Mathieu
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