Retour vers l accueil du site lesnews.org...

 Source : La Depeche (27/08/2002)    Source : La Depeche (28/08/2002)
[Articles du 27/08/2002] - [ Periode : 08-2002 (23 articles)] - [ Source : Liberation (36 articles)]

Article paru le 27/08/2002 - Cet article est la propriété du journal ou société : Liberation

Logo Liberation

Usines à risques: le recul de Raffarin


Jospin avait promis 150 inspecteurs supplémentaires. Les crédits sont annulés.

Le gouvernement Raffarin s'apprête à porter un coup sérieux à la sécurité industrielle. Selon nos informations, les argentiers de Bercy ont annulé les crédits qui devaient permettre, dans le projet de loi de finances 2003, l'embauche de 150 inspecteurs des installations classées. Cette coupe claire met un coup d'arrêt au doublement des effectifs de ces contrôleurs des usines chimiques à haut risque programmé par le gouvernement Jospin. C'est là la plus mauvaise nouvelle contenue dans la «lettre plafond» envoyée à Roselyne Bachelot, ministre de l'Ecologie et du Développement durable, qui sera rendue publique lors du Conseil des ministres du 18 septembre.

«Travail au scanner». Certes, l'heure est à la rigueur dans un contexte économique morose. Jean-Pierre Raffarin a reconnu le 31 juillet que le gouvernement prendrait «un certain nombre de mesures sévères» et pratiquerait «un travail au scanner dans chacun des budgets», pour faire en sorte que «les économies touchent tout ce qui n'est pas utile aux Français».

Très prolixe sur l'«insécurité physique» des Français dans son discours de politique générale, le Premier ministre ne s'est guère étendu sur l'insécurité industrielle, annonçant le vote à l'automne d'une loi sur les «risques technologiques». Mais Matignon aura du mal à légitimer cette économie d'environ 11,4 millions d'euros. Notamment à quelques jours du premier anniversaire de l'explosion de l'usine AZF qui avait fait 30 morts, des centaines de blessés, et détruit une bonne partie de la ville de Toulouse le 21 septembre 2001. Une catastrophe qui a coûté à l'Etat 228 millions d'euros et plus de 2,28 milliards à TotalFinaElf, propriétaire d'AZF.

Cette montée en puissance du nombre d'inspecteurs était pourtant la seule mesure concrète annoncée par Lionel Jospin à la suite du grand débat national sur les risques industriels organisé dans toute la France en décembre. Elle faisait par ailleurs l'objet d'un fort consensus parmi les politiques de tous bords, les experts de la Cour des comptes et les associations de sinistrés.

«Cette décision est incompréhensible et constitue une régression en matière de sécurité, dénonce Yves Cochet, ancien ministre de l'Environnement. Après avoir rendu un jugement de Salomon sur la SNPE qui, à Toulouse, va devenir un pôle chimique sans phosgène, son activité la plus profitable, Raffarin se tire dans le pied en annulant le renforcement du contrôle des entreprises à risques. Ces inspecteurs rattachés aux Drire (directions régionales de l'industrie, de la recherche et de l'environnement) regardent à la loupe les études de dangers fabriquées par les industriels. Ils font des inspections sur place, exigent des améliorations, voire déclenchent des procédures de fermeture en cas de danger.»

«Bon sens». Face aux 10 000 entreprises qui, selon le ministère de l'Ecologie, «présentent des risques d'accidents» (dont 1 249 sont d'ailleurs classées Seveso), ils n'étaient que 870 inspecteurs en 2001. Et 150 de plus en 2002. Début février, la commission parlementaire d'enquête sur les risques industriels majeurs jugeait que cette augmentation allait dans le «bon sens». Mais estimait «indispensable de doubler les effectifs à l'horizon 2005» (Libération du 5 février 2002). Ne serait-ce que pour rattraper des manques dénoncés «de longue date, en particulier par un rapport de 1996 de la Cour des comptes».

Pour illustrer son propos, cette commission, présidée par François Loos, alors député UDF chiraquien du Bas-Rhin, utilisait un cas édifiant : «La situation actuelle de sous-effectifs de l'Inspection des installations classées» lui était apparue «cruellement mise en lumière par un exemple concret relevé lors de la mission d'une délégation de la commission d'enquête à la raffinerie Total de La Mède, le 10 janvier 2002». A l'occasion de cette visite, les parlementaires constatent qu'«un seul et même inspecteur à temps partiel est en charge de cette raffinerie d'une importance majeure qui se caractérise à elle seule par 24 études de dangers. Le même inspecteur a également la responsabilité du contrôle de 13 autres installations Seveso et des sous-traitants correspondants».

Rupture «prévisible». Or, le 9 novembre 1992, une explosion dans cette raffinerie de la Mède avait tué six ouvriers. Dans cette affaire, dans laquelle trois ex-dirigeants de Total ont été lourdement condamnés le 24 avril dernier, les experts avaient attribué la catastrophe à la rupture «parfaite- ment prévisible» d'une canalisation corrodée, «vieille de trente-six ans et jamais contrôlée durant douze ans».

Neuf ans plus tard, les moyens de contrôle manquent toujours sur ce site, comme sur beaucoup d'autres. «Notre commission a été unanime, alors, quel que soit le résultat des élections législatives, il faudra bien avancer, avec la pression des Toulousains», déclarait le 23 février François Loos, aujourd'hui ministre délégué au Commerce extérieur, au collectif de sinistrés d'AZF «Plus jamais ça». Il se pourrait que les Toulousains le prennent au mot pour «éviter d'autres Toulouse».

Mathieu ECOIFFIER


 Source : La Depeche (27/08/2002)    Source : La Depeche (28/08/2002)

(Pour rappel, la diffusion d'articles est soumise à des règles strictes. Je vous invite à consulter celles-ci en cliquant directement sur le logo en en-tete de page pour accéder au jounal propriétaire de cet article. En ce qui concerne le site sur lequel vous vous trouvez http://www.lesnews.org, les demandes ont été faites ou sont en cours. Pour plus d'informations, sur le drame de Toulouse, je vous invite également à consulter les articles disponibles ou dossiers sur les sites multimédias de ces journaux, accessibles également en cliquant via le logo du journal assoccié en en-tête)


Retour en haut de l article