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 Source : Le Monde (02/07/2002)    Source : La Depeche (03/07/2002)
[Articles du 02/07/2002] - [ Periode : 07-2002 (62 articles)] - [ Source : Liberation (36 articles)]

Article paru le 02/07/2002 - Cet article est la propriété du journal ou société : Liberation

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Toulouse garde un peu de sa chimie


Les arbitrages de Raffarin mécontentent syndicats et riverains d'AZF.

«Ce sont 605 emplois qui sont condamnés. Ce gouvernement est irresponsable et nous ne manquerons pas de le lui rappeler», avertit le délégué CGT de la SNPE (Société nationale des poudres et explosifs), Hubert Dandine. «Le site Seveso est maintenu en pleine ville dans une zone inondable et sous un couloir aérien. C'est inacceptable», enchaînent Frédéric Arrou et Alain Ciekanski pour l'Association des sinistrés du 21 septembre et le comité PJCnina, «Plus jamais ça ni ici ni ailleurs».

Unanimité. Le Premier ministre a réussi hier le tour de force de faire l'unanimité des syndicats et des opposants au pôle chimique contre lui. Décision a en effet été prise à Matignon d'arrêter les activités de la SNPE et de Tolochimie (480 et 115 salariés liés à la production du gaz phosgène). Et d'autoriser le redémarrage des entreprises Raisio et Isochem (26 et 38 salariés). C'était la meilleure façon de mettre en rage l'intersyndicale CGT, CFDT, FO, CFTC et CGE qui croit savoir que la SNPE, propriété de l'Etat à 99,9 %, n'a pas d'avenir sans production et traitement du phosgène. Et de fâcher le comité Plusjamaisça qui demande toujours une fermeture totale de l'usine : «Se contenter d'exclure le gaz phosgène ne remet pas en cause la production de carburant pour la fusée Ariane et pour les missiles militaires», pestent ses porte-parole. Or, assurent-ils, le périmètre des risques liés à cette production classée Seveso déborde de l'enceinte de l'usine et mord encore sur les zones habitées de la ville. «La SNPE nous a souvent déclaré ne pas savoir faire autrement...», explique Frédéric Arrou.

Depuis l'explosion d'AZF le 21 septembre, les salariés du pôle chimique se sont souvent opposés au comité PJCnina, au nom de l'emploi. «Opposition artificielle et entretenue par les industriels, reprend aujourd'hui le comité. Il est peut-être l'heure pour eux et pour nous de travailler enfin ensemble contre le danger chimique et la précarité sociale.» Après celle du 21 septembre, la deuxième explosion d'AZF pourrait être syndicale et politique.

Enterrer. Les réouvertures de Raisio et d'Isochem, petites unités de traitement hydrofuge du papier et de production de médicaments fermées depuis la catastrophe, ne consolent pas les syndicats. Le cé gétiste Marc Gianotti compte que 490 salariés d'AZF sont déjà au tapis puisque Total FinaElf a décidé le 11 avril d'en boucler définitivement les portes. Hubert Dan dine, son homologue délégué de la SNPE, n'a pas plus d'espoir pour les 480 salariés de son entreprise. «Il faudrait dix ans d'études pour mettre au point un substitut au gaz phosgène qui fait si peur, note-t-il. La SNPE n'attendra pas jusque-là.» Sans le phosgène qui occupait la SNPE à 66 %, estime-t-il, l'entreprise ne sera plus rentable : «L'Etat partira fabriquer ses carburants stratégiques ailleurs.» C'est à 75 % que Tolochimie dépend pour sa part du phosgène. «Autant donc l'enterrer tout de suite», poursuit le syndicaliste.

Le préfet de région Hubert Fournier a tenté hier de présenter la décision de Matignon comme «équilibrée, conciliant les impératifs de sécurité et l'emploi». Le renoncement au phos gène à Toulouse ne condamne en tout cas pas une telle production en d'autres lieux : «C'est une réponse à titre exceptionnel au traumatisme des Toulousains», précise-t-il. Le député-maire de Toulouse, Philippe Douste-Blazy, lui, se réjouit de la décision «rapide, globale et courageuse» du gouvernement. Certes, admet-il, le «renoncement au phosgène» supprime 400 des 605 emplois de la SNPE et de Tolochimie. Mais il a bon espoir que le plan social qui doit accompagner cet abandon soit «le plus digne possible pour les salariés du pôle chimique». Il ne veut en tout cas pas laisser dire que sa position a pu changer depuis que Jean-Pierre Raffarin a remplacé Lionel Jospin à Matignon.

Délai. Douste-Blazy se félicite aujourd'hui de la reprise d'une activité classée Seveso dans sa ville ? Il se défend en soutenant que les dangers sont limités : «La zone 1, où un accident sur le carburant d'Ariane et des missiles peut avoir des effets létaux, est confinée au périmètre du site industriel.» La zone 2, où les effets seraient «irréversibles» sur la santé, déborde toujours sur le tissu urbain ? Le maire répond que le gouvernement s'est engagé à ce que cette zone 2 soit ramenée d'ici cinq ans dans les limites du site industriel. «Et si ce n'est pas le cas, nous demanderons la délocalisation des activités restantes.» Ce délai de cinq ans fait en tout cas frémir les opposants au site : «Qui peut en toute intelligence garantir qu'il n'y aura pas d'accidents d'ici là ?» Les syndicats ne sont pas plus rassurés. «D'ici là, la SNPE sera fermée», assure la CGT. «On nous a déjà fait le coup de la radioactivité de Tchernobyl s'arrêtant aux frontières, peste Frédéric Arrou. Là, Douste nous fait le coup des gaz qui s'arrêteraient aux grilles de l'usine.» Le maire n'en peut mais : «Il y aura toujours quelqu'un pour dire ça.»

Les syndicats envisagent de rassembler bientôt tous les personnels du pôle chimique en vue de «préparer une riposte». Le PJCnina a déjà fixé deux rendez-vous : aujourd'hui à 18 heures devant la préfecture, et dans les rues de Toulouse le 21 septembre, anniversaire de l'explosion. Les oreilles de ceux qui avaient imprudemment promis de défendre l'emploi tout en bannissant de la ville toute «chimie dangereuse» risquent d'y siffler.

Gilbert LAVAL


 Source : Le Monde (02/07/2002)    Source : La Depeche (03/07/2002)

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