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 Source : La Depeche (26/06/2002)    Source : La Depeche (27/06/2002)
[Articles du 27/06/2002] - [ Periode : 06-2002 (50 articles)] - [ Source : L Express (13 articles)]

Article paru le 27/06/2002 - Cet article est la propriété du journal ou société : L Express

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Serge Biechlin Le directeur d'AZF parle


Mis en examen pour l'explosion survenue le 21 septembre 2001 à Toulouse, Serge Biechlin, patron de l'usine, a préféré garder le silence lors de sa garde à vue. Accusé de «gestion chaotique», brocardé par le procureur pour n'avoir pas voulu s'exprimer devant lui, il explique à L'Express les raisons de son mutisme et du désarroi de ses employés

Pourquoi avoir choisi de garder le silence pendant votre garde à vue, alors que vous dites n'avoir rien à cacher?

Dès le lendemain de l'explosion, nous nous sommes engagés à une totale transparence... Le site a été largement ouvert à tous les enquêteurs de la police (jusqu'à 150), de la Drire, de l'Inspection générale du travail, de l'Inspection générale de l'environnement, de la Cram, aux parlementaires, aux journalistes, sans compter l'enquête interne menée par GP et celle de notre comité d'hygiène et de sécurité... Mes employés et moi-même avons toujours répondu, sans aucune réticence, à toutes les questions posées. Nous avons choisi de nous taire la semaine dernière, après information de nos droits par notre avocat, Me Soulez Larivière, pour protester contre la spectaculaire et humiliante garde à vue que nous avons subie...

Pourquoi cet acharnement, largement médiatisé, alors même que nous ne connaissons toujours pas les causes de l'explosion? Pourquoi cette opération coup de poing alors que, personnellement, en neuf mois, je n'ai été interrogé qu'une fois par la police - sur la forme et non sur le fond - et jamais par le juge d'instruction?

Aujourd'hui, d'après les résultats des premières expertises scientifiques et de l'enquête policière, la justice privilégie nettement l'hypothèse de l' «accident chimique» dû à une benne de dérivés chlorés déposés par mégarde sur un tas d'ammonitrates dans le hangar 221, ce qui aurait provoqué l'explosion. Mais cette thèse est déjà invalidée! La police le sait très bien. Voici exactement ce que nous pouvons, nous, répondre, actuellement, preuves en main: dès le lendemain de l'explosion, GP nous a demandé de recenser précisément tous les mouvements de produits qui ont eu lieu le matin du 21 septembre 2001. Georges Paillas, l'un de mes contremaîtres, a procédé, avec l'inspection du travail, aux premières vérifications du bâtiment dit «demi-grand» où étaient regroupés les sacs vides d'ammonitrates. Ils n'ont rien décelé d'anormal. Ensuite, Jean- Claude Panel, l'ingénieur chargé des expéditions, a trié un à un les sacs vides. Il n'a pas trouvé de sac de chlore. A la troisième visite, les enquêteurs de Grande-Paroisse ont constaté la présence très visible d'une «gervaise» [conteneur de 500 kilos] de dérivés chlorés, trouée et vide, au milieu des sacs d'ammonitrates. Contrairement à ce qui a été prétendu, nous en avons immédiatement averti la police. Nous savons, depuis des dizaines d'années, que les produits chlorés sont toxiques et incompatibles avec les autres produits fabriqués à l'usine. La procédure normale veut donc que les gervaises soient lavées après leur utilisation. Celle-là ne l'avait pas été…

Les dérivés chlorés pour piscine, que nous fabriquons depuis des années à l'autre bout de l'usine, selon un cahier des charges strict, bénéficient d'une parfaite traçabilité. Nous avons donc remonté la piste de ce sac. Il provenait d'une fabrication de juin 2001. Au cours de celle-ci, l'une des gervaises a craqué, et son contenu a été immédiatement transvasé dans un autre sac portant le même numéro. Nous possédons, bien sûr, non seulement les fiches indiquant la quantité de produit fabriqué - le nombre de gervaises remplies - mais aussi tous les bons de livraison. L'intégralité du lot incriminé a été expédiée et reçue par ses destinataires. Une fois encore, la énième hypothèse présentée par la police comme une quasi- certitude s'effondre: ce sac était bien vide depuis trois mois. En aucun cas, son contenu n'a pu être versé dans le sas du hangar 221 le matin de l'explosion.

Quelle est votre position actuelle sur l'origine de l'explosion du 21 septembre? Accident, malveillance ou attentat?

Grande-Paroisse ne peut enquêter que sur le fonctionnement interne de l'usine... Pour le moment, nous n'avons pas encore trouvé de scénario cohérent pour expliquer cette catastrophe; cependant, certains éléments, tels les phénomènes électriques anormaux constatés un peu avant l'explosion du hangar, nous laissent penser que son origine pourrait bien provenir de l'extérieur. J'espère que tous ces éléments seront pris en compte par le juge d'instruction. Depuis neuf mois, le personnel d'AZF subit un traumatisme récurrent. Nous avons perdu des compagnons, d'autres sont gravement blessés, plusieurs sont aussi des sinistrés. Certains d'entre nous - comme Georges Paillas, dont tout le monde vous dira, à l'usine, qu'il était particulièrement vigilant sur les questions de sécurité - sont aujourd'hui mis en examen pour homicide involontaire. Dans l'opinion publique, ils passent pour des mariols qui ont mis l'existence des Toulousains en danger par leur négligence... Ce sont eux et les premiers pompiers arrivés sur le site, qui, au péril de leur vie, ont arrêté les machines, mis l'usine en sécurité, soigné les blessés, retrouvé les morts. A présent, ils sont au chômage et montrés du doigt. Les «mis en examen» ont l'interdiction de travailler sur un site Seveso, pourtant leur véritable domaine de compétence. Tout cet opprobre alors que rien encore maintenant ne permet de leur imputer la moindre faute professionnelle… On leur demande une résistance psychologique inhumaine.

Vous me dites que Grande-Paroisse ne peut enquêter sur un éventuel acte criminel. Mais vous, personnellement, qu'en pensez- vous?

Voilà un accident exceptionnel, comme il ne s'en est jamais produit depuis le début du XXe siècle avec des produits largement utilisés dans le monde entier. Devant l'ampleur des dommages et la détresse des sinistrés, nos assurances ont décidé de ne pas attendre les résultats de l'enquête et de prendre en charge la totalité des dégâts provoqués par cette catastrophe. Mais, si vous voulez mon opinion personnelle, je vais vous répondre en ingénieur: quelle est la probabilité statistique pour qu'un tel «accident» survienne alors même que j'avais réuni la veille 80 de mes collaborateurs pour les mettre en garde contre la possibilité d'un attentat sur le pôle chimique toulousain?


 Source : La Depeche (26/06/2002)    Source : La Depeche (27/06/2002)

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