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 Source : La Depeche (21/06/2002)    Source : La Depeche (21/06/2002)
[Articles du 21/06/2002] - [ Periode : 06-2002 (50 articles)] - [ Source : Valeurs Actuelles (6 articles)]

Article paru le 21/06/2002 - Cet article est la propriété du journal ou société : Valeurs Actuelles

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Toulouse : Justice totalitaire


Pour combler les lacunes d’un dossier d’instruction vide de faits matériels, la justice toulousaine a tenté de faire craquer, en garde à vue, les ouvriers puis les patrons d’AZF. Son dernier argument : réinventer la lutte des classes…

L’enquête pénale sur la catastrophe de Toulouse, le 21 septembre dernier, est loin d’être bouclée. Le 5 juin, les deux juges d’instruction chargés de l’enquête pénale Didier Suc et Joacquim Fernandez, qui va être remplacé d’ici à la fin du mois par Thierry Perriquet n’en ont pas moins communiqué aux parties civiles trois types de documents.

- Un cédérom comportant 1 500 des 2 200 procès-verbaux d’instruction réalisés par le SRPJ de Toulouse, sous l’autorité du commissaire Robert Saby, qui vient d’être promu à sa demande à la tête du GIR de Bordeaux (Groupement d’intervention régionale). En fonction de quels critères 700 pièces de procédure ont-elles ainsi été soustraites du dossier ? S’agirait-il de ces centaines de témoignages gênants pour la thèse officielle on y démontre la double explosion, on y parle d’éclairs et de perturbations électriques majeures avant l’explosion du hangar 221 d’AZF, on peut y lire, en filigrane, les méthodes d’orientation de l’enquête, à travers toutes les pressions exercées sur des témoins pour les dissuader de déposer, quand on ne refusait pas tout bonnement de recueillir leurs témoignages… qui ont ainsi été écartées, afin de confirmer la dernière version de l’explosion “chimique”, retenue comme thèse officielle. On se souvient qu’au départ, le procureur de Toulouse incriminait « un processus physico-chimique engagé depuis quatre-vingts ans, un processus long, complexe, qui a dû s’accélérer dans les jours qui ont précédé l’explosion ». Ce qui n’était pas banal pour un bâtiment remontant effectivement à 1920, mais rénové depuis lors, et dont la dalle était vide de tout stockage deux mois avant les faits (juillet 2001)…

- Un exemplaire des “premières conclusions d’étape” du rapport d’expertise judiciaire qui, tout en pratiquant avec subtilité le mélange du conditionnel et de l’indicatif, ne démontre strictement rien, même s’il balaie d’un revers de la main toutes les hypothèses notamment électriques autres que celle de l’accident chimique non-intentionnel lié au mélange de dérivés chlorés avec le tas de nitrate d’ammonium. Ce rapport d’étape n’a été signé que par trois experts, sur un collège qui en comprend une quinzaine, dont le leader, M. Van Schendel, pyrotechnicien de formation, est inconnu à la Société française de chimie et n’est pas répertorié dans les listes d’experts agréés auprès de la Cour de cassation et des cours d’appel. Quant aux experts électriciens et électrotechniciens notamment MM. Mary et Robert, ils se sont bien gardés, eux, d’apposer leur paraphe sur ce document d’une cinquantaine de pages.

Une cassette vidéo d’une explosion reconstituée en laboratoire, sur des quantités de produits infinitésimales quelques dizaines de grammes, quand des centaines de tonnes sont en jeu, à la suite d’un mélange de nitrate d’ammonium et de DCCNA, le dérivé chloré censé être à l’origine de la catastrophe. Dans la foulée de cette communication, onze ouvriers d’AZF et de sociétés sous-traitantes ont été placés en garde à vue le 11 juin, dans des conditions particulièrement musclées. Quatre ont été mis en examen le lendemain pour « homicides involontaires ». On imagine la fureur des syndicats face à cette volonté affichée de commencer par s’en prendre aux “lampistes”. Le directeur de l’usine, Serge Biechlin, et huit de ses cadres ont subi le même traitement humiliant cellules en béton de 3 mètres sur 1,50 mètre, sans toilettes, au milieu des “droits communs”, eau et nourriture réduites au minimum, menaces permanentes d’incarcération préventive… le 13 juin et ont été mis en examen le lendemain, tout en étant placés sous un contrôle judiciaire des plus stricts. Tout ce cinéma n’avait qu’un seul but : tenter d’enfoncer un coin dans le front jusqu’ici uni de la direction d’AZF et de ses salariés, bien placés pour savoir que leur usine n’a jamais été un « dépotoir » à la dérive. Bref, réinventer la lutte des classes, faute d’éléments probants sur la véritable cause du sinistre. Des méthodes jugées « absurdes et humiliantes » par Me Daniel Soulez-Larivière, avocat de Grande Paroisse, filiale du groupe TotalFinaElf, qui a fait appel. Concernant Serge Biechlin, l’avocat parisien joue sur du velours : les magistrats toulousains ne connaissent apparemment pas les articles 104 et 105 du nouveau code de procédure pénale, qui interdisent de placer en garde à vue une personne visée à la fois par un réquisitoire (du parquet) et par une plainte de partie civile. Ils semblent également avoir oublié que la présence d’un avocat au terme de la vingtième heure de garde à vue est indispensable pour qu’une déposition soit validée au plan procédural. Mais ce ne sont que péchés véniels, au regard de l’incroyable dérive qui caractérise toute cette enquête. Nous reviendrons en détail sur l’ensemble de ce dossier complexe, qui a beaucoup progressé au plan scientifique, y compris dans des directions jusqu’ici insoupçonnées. Avec l’espoir, intact, que la vérité finisse par l’emporter. Enfin.

Thierry Deransart


 Source : La Depeche (21/06/2002)    Source : La Depeche (21/06/2002)

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