L'Association des sinistrés veut mettre en cause l'Etat et TotalFinaElf sur la sécurité.
Les juges Suc et Fernandez pensent savoir enfin ce qui a fait exploser le hangar 221 de l'usine AZF de TotalFinaElf le 21 septembre à Toulouse. Ce serait un mélange tout à fait accidentel de chlore et de nitrate. Les deux magistrats présenteront aujourd'hui à 14 h 30 ces premières conclusions officielles de l'enquête aux parties civiles victimes de la catastrophe qui a, ce jour-là, tué 29 personnes dans l'usine et dans la ville.
Le site chimique lui-même, de l'autre côté du boulevard périphérique, ressemble à un cratère de lune. En ville, la rue Bernadette aux maisons dévastées est toujours barrée pour cause de travaux. Le bâtiment B de la cité du Parc reste muré en attendant sa démolition et les mobil-homes hébergent encore 75 familles à la Mounède ou à Cugnaux. Le Stadium et le Zénith sont inutilisables. L'avenir est incertain pour 29 entreprises touchées et leurs 2 979 emplois. Le cabinet d'experts en assurance Equad, qui travaille pour le compte du pétrolier, évalue à 2,3 milliards d'euros les dégâts causés par l'explosion. «Mais les dédommagements ne sont pas notre préoccupation principale», précise Frédéric Arrou pour l'Association des sinistrés du 21 septembre.
«Plainte citoyenne». «Les dédommagements ne sont pas un problème», évacue lui aussi Patrick Timbart qui a pris la direction des affaires d'AZF, définitivement fermée depuis le 11 avril. Les concordances de vues s'arrêtent là. «Le président de TotalFinaElf, Thierry Desmarets, a dit dès le premier jour que le groupe assumerait franc pour franc sa responsabilité d'industriel, explique Patrick Timbart. Ce que nous n'accepterons pas, c'est d'être accusés de négligence.»
Pendant que TotalFinaElf joue du portefeuille pour défendre son image de premier groupe industriel français, l'Association des sinistrés du 21 septembre entend développer une «plainte citoyenne». Certes, «il n'est pas acceptable qu'une vie humaine soit évaluée au prix d'une BMW», argumente Frédéric Arrou. Mais son association veut surtout pouvoir mettre en cause l'industriel par qui tout le mal est arrivé, les services de l'Etat qui n'auraient pas su le surveiller et les autorités locales qui ont laissé la ville se construire autour de l'usine…
Mêmes sacs. Le rapport des experts tombé sur le bureau des juges est carré. Il établit que, quelques minutes avant l'explosion, des déchets chlorés ont atterri sur les nitrates déclassés du hangar 221. Les deux produits, hautement explosifs lorsqu'ils sont mis en contact, étaient entreposés dans des mêmes sacs que seule une étiquette distinguait. Et apparemment, aucune procédure n'interdisait leur circulation entre les deux zones de l'usine où ils étaient traités.
En outre, souligne l'expertise, ce sont des entreprises sous-traitantes faisant elles- mêmes travailler des ouvriers intérimaires qui se trouvaient chargés des manutentions. AZF, une usine de porcelaine explosive dans laquelle pouvait se déplacer n'importe quel éléphant ? C'est là que Total regimbe : «Ce n'est pas parce qu'un pilote commet une erreur et crashe son appareil qu'il faut en conclure que son avion était mal entretenu...» Selon Patrick Timbart, l'erreur de manutention ne peut «en aucun cas» déboucher sur la conclusion que l'usine était gérée en dépit de la sécurité. «Le groupe TotalFinaElf salarie plus de 150 000 personnes dans 45 pays et compte 100 sites classés Seveso en France, développe- t-il. La négligence ne peut être un mode de fonctionnement pour nous.»
Il est vrai que, décalage horaire aidant, l'explosion d'AZF le vendredi 21 septembre à 10 h 17 faisait le lendemain matin la une des quotidiens de l'Alberta canadien ou du Nicaragua. Les quelque deux milliards d'euros que devrait coûter l'explosion d'AZF au groupe Total ne sont peut-être pas grand- chose comparés à une soudaine défiance internationale qui pourrait plomber ses cours en Bourse.
Des preuves. La commission d'enquête interne de TotalFinaElf déposera ses propres conclusions à la fin de ce mois. Ce ne sera pas trop tard. Un réquisitoire supplétif vient en effet d'être accordé aux deux juges d'instruction. S'agissant pour eux, selon la Dépêche du Midi, de déterminer les conditions de production dans l'enceinte d'AZF. «Nous avons des preuves que toutes les procédures étaient respectées en matière de sécurité», nous explique Patrick Timbart préparant déjà la défense de son employeur. L'explosion d'AZF était déjà un séisme économique. TotalFinaElf tâche seulement de se protéger de sa réplique pénale et financière.
Gilbert LAVAL
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