Retour vers l accueil du site lesnews.org...

 Source : Nouvel Observateur (30/04/2002)    Source : La Depeche (10/05/2002)
[Articles du 02/05/2002] - [ Periode : 05-2002 (11 articles)] - [ Source : L Express (13 articles)]

Article paru le 02/05/2002 - Cet article est la propriété du journal ou société : L Express

Logo L Express

Victimes du bruit fantôme


Les acouphènes sont des sons parasites qui ne peuvent être entendus que d'une seule personne. Ce trouble touche 2,3 millions de Français. Plusieurs expériences devraient leur rendre espoir

Corinne Dupont s'est réveillée en sursaut la deuxième nuit qui a suivi la catastrophe de l'usine AZF. Un bruit aigu et continu avait rompu le silence, «comme si un petit sifflet était collé à [son] oreille gauche». Cette Toulousaine de 37 ans croyait pourtant que le pire était passé. Le bruit assourdissant de la double explosion, le 21 septembre, l'avait laissée pétrifiée mais indemne devant la porte de la cantine où elle travaillait, à environ 1 kilomètre de distance. Cette fois, la jeune femme panique, s'imagine qu'elle va devenir sourde, fonce à l'hôpital. Diagnostic: un acouphène. Ce nom savant désigne un son que la personne est seule à entendre. En somme, un «bruit fantôme»

Aussi intolérable qu'une rage de dent Le cas de Corinne Dupont n'est pas isolé. Cinquante-huit personnes présentaient le même symptôme parmi celles qui se sont rendues à l'hôpital Purpan dans le mois suivant l'accident. Cette donnée, qui sera rendue publique à l'occasion de la Journée nationale de l'audition du 15 mai (1), a été établie pour le suivi épidémiologique de la catastrophe. Le chiffre braque les projecteurs sur une maladie qui touche de façon chronique 2,3 millions de personnes en France, mais reste peu connue. Quoi de plus banal, en effet, que les oreilles qui se mettent à siffler? C'est le signe, comme chacun sait, qu'au même moment quelqu'un parle de vous. Mais si le bourdonnement s'installe, il peut devenir rapidement aussi intolérable qu'une rage de dents. «Le matin, au réveil, c'est la première chose à laquelle je pense, témoigne Corinne Dupont. Parfois, je me laisse surprendre et je me retourne, comme si le bruit venait de quelque chose dans mon dos.» Cumulé avec le stress ou l'anxiété, le simple désagrément peut se transformer en dépression ou en phobie.

«Imaginez un piano désaccordé où les touches d'une octave entière produiraient exactement la même note»

Inutile d'espérer couper le son. Le seul traitement disponible depuis dix ans consiste à éduquer le cerveau pour qu'il reste indifférent à ce bruit parasite. Le patient s'initie aux techniques classiques de relaxation et porte six heures par jour un petit appareil qui émet un son agréable à l'oreille. Cette thérapie permet à ses initiateurs, l'Américain Pavel Jastreboff et le Britannique Jonathan Hazell, de «guérir» 80% de leurs patients en douze à dix-huit mois. Mais une expérience menée récemment en Allemagne suscite de nouveaux espoirs. Des chercheurs de l'université de Heidelberg ont testé une technique de rééducation qui a baissé le volume du bruit indésirable de 35%. Pendant quatre semaines, neuf patients se sont entraînés deux heures par jour à distinguer des sons très proches, d'un niveau de fréquence voisin de celui de leur acouphène. Par quel mystère ces exercices ont-ils pu apaiser le vacarme intérieur?

Tout se joue a priori dans le cerveau. Normalement, les neurones des zones du cortex correspondant à l'audition sont programmés pour réagir chacun à une fréquence donnée, ce qui permet d'entendre toute la gamme des sons, du plus grave au plus aigu. Ce bel équilibre est rompu chez les victimes d'un bruit fantôme. «Un nombre anormalement élevé de neurones répondent à la fréquence sur laquelle est installé l'acouphène, explique Sylviane Chéry-Croze, neurophysiologiste et présidente de l'association de malades France Acouphènes (2). Imaginez un piano désaccordé où les touches d'une octave entière produiraient exactement la même note!» La gymnastique cérébrale aurait donc permis de reprogrammer correctement ces neurones. L'hypothèse demande toutefois confirmation à plus grande échelle.

Une autre piste est suivie par une équipe de l'Inserm de l'université de Montpellier. Celle-ci espère proposer d'ici à trois ans des médicaments pour protéger le nerf auditif. Cette démarche, testée actuellement sur l'animal, consiste à faire passer un cathéter à travers le tympan pour arriver au contact de la cochlée, petit organe en forme d'escargot qui transforme le son en influx nerveux. Des molécules, dangereuses quand elles sont prises par voie générale, peuvent ainsi être appliquées localement. «Cette technique évite des effets secondaires redoutables sur la mémoire et l'apprentissage», se félicite le Pr Jean-Luc Puel. Dans son cabinet parisien, le Dr Martine Ohresser (3) juge l'approche prometteuse «à condition d'agir rapidement après le traumatisme sonore qui a déclenché l'acouphène». Trop tard pour les Toulousains, dont les oreilles sifflent depuis déjà longtemps.

______

(1) Détail des manifestations sur www.audition-infos.org

(2) Tél.: 01-43-95-03-99. Ecoutez des bruits fantômes sur www. france-acouphenes.audiofr.com

(3) Auteur de Bourdonnements et sifflements d'oreille, Odile Jacob, février 2002.

Estelle Saget


 Source : Nouvel Observateur (30/04/2002)    Source : La Depeche (10/05/2002)

(Pour rappel, la diffusion d'articles est soumise à des règles strictes. Je vous invite à consulter celles-ci en cliquant directement sur le logo en en-tete de page pour accéder au jounal propriétaire de cet article. En ce qui concerne le site sur lequel vous vous trouvez http://www.lesnews.org, les demandes ont été faites ou sont en cours. Pour plus d'informations, sur le drame de Toulouse, je vous invite également à consulter les articles disponibles ou dossiers sur les sites multimédias de ces journaux, accessibles également en cliquant via le logo du journal assoccié en en-tête)


Retour en haut de l article