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 Source : La Depeche (31/01/2002)    Source : La Depeche (02/02/2002)
[Articles du 01/02/2002] - [ Periode : 02-2002 (45 articles)] - [ Source : Valeurs Actuelles (6 articles)]

Article paru le 01/02/2002 - Cet article est la propriété du journal ou société : Valeurs Actuelles

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Toulouse : C’est EDF qui détient la clé…


Révélations : Le 21 septembre, à Toulouse, EDF nous confirme qu’elle a bien enregistré sur ses réseaux deux cascades de désordres électriques, espacées de dix secondes, qui indiquent qu’il y a eu deux explosions. La première série ne concerne pas AZF mai

Encore et toujours, revenir aux témoignages qui dérangent. En particulier celui, inédit, que nous avons recueilli : une première explosion, un arc électrique et, une poignée de secondes plus tard, le grand “bang” à l’usine AZF, celui qui ravage Toulouse en ce vendredi 21 septembre. Encore et toujours, revenir sur les récits de tous ces survivants de la catastrophe qui ont décrit des phénomènes électriques aussi étonnants qu’inexpliqués, sur le site ou dans le voisinage immédiat, au cours de la dizaine de secondes PRÉCÉDANT la formidable explosion. Paris Match, le 10 janvier, en a publié de particulièrement troublants : « une forte secousse ressentie comme une électrocution quelques secondes avant que tout explose » ; les mains d’un ensacheur d’ammonitrate qui se retrouvent « aimantées, scotchées à la buse métallique. (…) J’ai vu des petits flashs électriques, comme des éclairs de bougies de voiture, au bout de mes doigts. (…) Puis c’est l’explosion ». On peut y ajouter « les petites flammes jaunes et bleues, de deux à trois centimètres », qui sortent d’un poste téléphonique ou les fonds d’écran d’ordinateur qui « se rétrécissent brutalement, horizontalement et verticalement, avant de disparaître », et ce toujours nettement avant le grand boum. Tous ces témoins ont-ils rêvé ? Ont-ils perdu la raison ? Ont-ils inventé ces phénomènes électriques PRÉCÉDANT le grand boum ? Le communiqué officiel publié le 3 janvier le seul qui fasse autorité à ce jour par le Réseau de transport d’électricité (RTE) de Toulouse, leur répond qu’« aucun incident électrique dans le secteur de l’usine AZF n’a été enregistré avant et au moment même de l’explosion ». Et rendormez-vous braves gens ! Ce communiqué est jésuitique en diable. D’abord parce qu’il ne dit rien de ce qui a été perçu après… Mais aussi, et surtout, parce qu’en lisant le document de synthèse interne qui a précédé son élaboration, on découvre ce qui ressemble fort à un incroyable biais par rapport aux données brutes récoltées. Nous avons pu consulter les relevés exhaustifs de ces données, consignées en temps réel, au millième de seconde près (avec une précision de l’ordre du centième de seconde) sur les différents réseaux électriques moyenne et haute tension qui alimentent le site pétrochimique classé “Seveso II” du Sud-Ouest toulousain, où l’on trouve les instruments de mesure les plus performants (qualimètres, oscilloperturbographes…) Ces liasses imposantes de lignes codées sont notamment entre les mains de M. Mary, expert judiciaire électricien nommé dans le cadre de l’enquête pénale en cours. Que montrent ces enregistrements aux alentours de la minute fatidique comprise entre 10 h 17 et 10 h 18 ? Deux cascades d’événements électriques distincts, séparés d’une dizaine de secondes, qui s’enchaînent comme suit. Et cela , EDF nous l’a bien confirmé ce mercredi matin 30 janvier. D’abord, à 10 h 17 min 57 s, déclenchement du transformateur dit “départ Ramier”, à la SNPE, suivi, entre 300 et 500 millisecondes plus tard, par le “TR311 Lafourguette”, un poste de distribution EDF situé à proximité du dépôt des bus toulousains de la Semvat.

Ensuite, une dizaine de secondes plus tard à 10 h 18 min 7 s et quelques soit très précisément 9 secondes 76 centièmes d’écart sur les relevés –, se produit une deuxième cascade d’événements électriques différents (“défauts isolés biphasés 3/7”, pas de retour à la terre). Cette séquence-là est provoquée par l’effet de souffle de l’explosion 2, celle du hangar 221, qui fait se toucher les phases de diverses lignes aériennes présentes sur le site. Intervient alors une question de logique élémentaire : si l’on admet que cette deuxième série d’incidents est bien provoquée par l’effet de souffle de l’explosion 2 (hangar AZF), il est impossible, vu leur localisation par rapport au cratère, qu’une dizaine de secondes se soient écoulées entre la cause et les effets. Il est en revanche possible de dater précisément l’explosion 2 entre 10 h 18 min 5 s et 10 h 18 min 6 s. C’est forcément dans cet intervalle que se trouve le fameux temps “T 0” tant recherché. Si on le pose dix secondes trop tôt, on peut certes affirmer que l’on n’a rien enregistré « avant et au moment même de l’explosion ». Si on le pose au bon endroit, c’est-à-dire dix secondes plus tard, la situation change du tout au tout.

Un joli serpent qui se mord la queue.

Or que fait le document de synthèse ? Il pose arbitrairement, comme temps “T0” supposé de l’explosion d’AZF, 10 h 17 min 57 s. D’où vient ce temps “T0” ? Nullement des enregistrements d’EDF, mais du rapport sismologique fourni à la Drire (la Direction de la recherche, de l’industrie et de l’environnement), par l’Observatoire Midi-Pyrénées (OMP). Que dit la directrice de l’OMP, Mme Souriau, sur ce temps “T0” ? Qu’il a été déduit a posteriori, à partir des enregistrements sismiques effectués, en posant comme donné une « simple question de bons sens »… le fait que l’épicentre de l’événement sismique numéro un se trouvait au centre du cratère de l’usine AZF. Bref, un joli serpent qui se mord la queue, puisque personne n’a encore pu démontrer qu’il se trouvait bien là. EDF s’est-il soucié de savoir comment ce temps “T0” avait été calculé, avant de le scotcher sur ses propres relevés ? « Nous n’avons eu aucun contact avec EDF », répond Mme Souriau, avant de préciser que, d’ailleurs, elle n’y connaît rien en électricité. Comment se fait-il que personne, ou presque, n’ait rien vu, ou rien voulu voir de cette drôle de manipulation ? C’est ici que l’on entre, de plain-pied, dans les délices de l’administration française.

L’enquête judiciaire a du pain sur la planche…

Il faut d’abord savoir que ces relevés, aussi performants soient-ils, ont été effectués par des entités distinctes, en fonction de leurs sphères de compétences respectives : d’un côté le réseau de distribution d’EDF-GDF Services (DEGS) de moyenne tension (jusqu’à 63 000 volts), de l’autre le Réseau de transport d’électricité (RTE) de haute et très haute tension (de 63 000 à 400 000 volts), qui assure à la fois le transport du courant (400 kV), sa répartition (220 kV) et sa livraison à la distribution (63 ou 90 kV). Il faut ensuite rappeler que, depuis le 1er juillet 2000, au titre de la dérégulation européenne de l’énergie électrique, le RTE est une entité juridiquement indépendante de sa maison mère, EDF, ce qui ne semble guère faciliter la communication transversale en cas de pépin. Sans parler de la prise de responsabilité pour des problèmes qui surviennent précisément à l’interface des deux réseaux (sur des transformateurs de 63 000 volts, comme c’est le cas à Toulouse). Il faut en outre évacuer un problème majeur de précision temporelle. Comme nous l’a confirmé le directeur Transport électrique Sud-Ouest de RTE à Toulouse, Michel Dubreuil, les données de RTE sont datées par des horloges “rafraîchies” toutes les deux secondes par l’horloge en temps universel (TU) du Cnet à Lannion (Côtes-du-Nord). Les données du réseau de distribution (DGES), en revanche, sont datées par des horloges susceptibles d’accumuler une légère dérive de plus ou moins deux secondes. Mais en aucun cas de dix secondes, ce qui est capital en l’espèce. Ces éléments posés, les données brutes recueillies par EDF semblent donc parfaitement corroborer la thèse des deux explosions distinctes telle que Valeurs Actuelles l’a révélée dans son numéro du 18 janvier (“Toulouse, la vérité cachée”). L’explosion 2, dévastatrice, a évidemment eu pour épicentre le hangar 221 de l’usine AZF, où elle a laissé un imposant cratère, sur lequel tous les yeux sont fixés. L’explosion 1, entendue par de nombreux témoins comme un formidable “coup de canon dans une cave”, semble en réalité liée, au moins pour partie, au déclenchement d’un ou de plusieurs disjoncteurs sur un transformateur de 63 000 volts situé à la SNPE, la Société nationale des poudres et explosifs. On sait que ce matin-là des problèmes répétés notamment au niveau de la chaufferie avaient été enregistrés sur le site. On rappellera que deux mois après les faits, le dimanche matin 18 novembre, un participant aux journées portes ouvertes organisées par la SNPE notait dans son compte rendu que « la très grosse centrale de cogénération électrique était encore en mauvais état apparent et à l’arrêt d’ailleurs. Cette unité de fabrication d’électricité et de vapeur est hors service, les salariés expliquent qu’EDF vient désormais apporter le courant et qu’on installe une chaufferie de dépannage ». L’enquête judiciaire se poursuit. Il est indéniable qu’elle a encore du pain sur la planche…

Thierry Deransart


 Source : La Depeche (31/01/2002)    Source : La Depeche (02/02/2002)

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